Ces dernières années, même sur un terreau autrefois aussi fertile et luxuriant que la pop anglaise, l’excentricité est parfois devenue une forme figée, un rôle de composition appris dans les grimoires, un théâtre surjoué, sans conviction. C’est justement parce qu’il ne tente pas de s’inscrire dans cette tradition, parce qu’il voudrait vraiment composer des pop-songs rutilantes et radiophoniques mais que ses doigts sont fourchus et son cerveau tordu, que Magic Arm est un authentique excentrique, comme Beck avant que des crétins de journalistes de notre espèce ne le forcent à analyser sa musique et ses équilibres utopiques – et le tétanisent. Dans ce cerveau qu’il n’a jamais pris le temps de ranger, le Ram de Paul McCartney et le hip-hop effondré de Dizzee Rascal, les chorales de papillons des Beach Boys et l’électronique enragée de LCD Soundsystem (dont il reprend le Daft Punk Is Playing at My House, minimalisé avec classe) dialoguent ainsi jovialement, sans les protocoles absurdes qui, en dehors, fliquent les flux entre genres. Basé à Manchester, Marc Rigelsford est Magic Arm à lui tout seul, homme-orchestre aux pédales magiques et à l’imagination cavaleuse, capable ici de passer d’une symphonie complexe pour samples et beats affolés (l’ambitieux Getting the Way) à un r’n’b de misère, pouilleux et hilare (le glorieux single Bootsy Bootsy). Avec ses machines goinfrées de sucre, d’acide, de fiel et de mauvais sang, il réforme totalement un psychédélisme anglais hérité de Kevin Ayers ou Syd Barrett, dont les envolées cosmiques sont ici reformatées pour écran de PSP – comme sur le génial Rested Bones, condensé audacieux de plein de bonheurs orchestraux et harmoniques qui pourraient être son père et sa mère. En Angleterre, pourtant riche en olibrius de ce genre, d’Esser au Beta Band, de Gorillaz à Super Furry Animals, on ne voit décemment pas qui pourrait actuellement prendre Magic Arm le bien nommé au bras de fer. (Inrocks)


Combien de secrets bien gardés le ciel mancunien couve-t-il sous ses nuages gris ? La ville désolée, mais rarement désolante, livre à nouveau une jeune pousse futée et rayonnante éclose entre les briques rouges. Marc Rigelsford batifole dans sa chambre de Manchester, regrettant peut-être la douceur de Brighton, cité balnéaire qui l’a vu grandir. Pour aider un ami, il compose la bande originale de son court-métrage, sous l’alias de Magic Arm, se découvre quelques talents, et décide alors de poursuivre ses recherches ludiques, au fil d’un album aussi inattendu que familier, aussi étonnant que réconfortant. Dans une atmosphère enfumée façon Beta Band, Rigelsford s’amuse avec une boîte à outils chipée à Beck : une piste par bonne idée, des claviers tordus, des guitares saturées et pas mal de samples divers (roulement de batteries, trompettes, etc.). Il aligne d’emblée quelques tubes, dont le fabuleux Widths And Heights, sorte de chute de studio de Thunder, Lightning, Strike  (2004) de The Go! Team ensevelie sous The Avalanches. Les albums de bidouilleurs malins sont légions, mais sombrent souvent dans les mêmes écueils : la collection bigarrée de vignettes ; l’autisme étudié (voix trop timide, arrangements cheap et je-m’en-foutisme de façade) ; la baudruche indigeste (superposition des samples, des couches, et oubli bêta des chansons – souvenez-vous des Mountaineers). Or, Magic Arm évite magistralement ses trois chausse-trappes et gambade avec allégresse d’une idée à l’autre, balançant pop song cinglantes et ravagées (Bootsy Bootsy), mélodies bricolos atterries sur débris R&B (Move Out) et décalques habiles de Badly Drawn Boy (Getting The Way), avant de s’élancer dans le crève-cœur élégiaque de Six Cold Feet Of Ground, qui évoque le subtil toucher de guitare de Davey Graham. En dépit d’une reprise inutile de LCD Soundsystem (Daft Punk Is Playing At My House), Magic Arm a plus d’un tour dans sa mallette et livre un album parfait de bout en bout. (Magic)
bisca
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le 10 avr. 2022

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