Dans Melt My Eyez Ses Your Future, le rappeur originaire de Floride et installé en Californie s’essaie à des productions beaucoup plus léchées et fines que dans ses albums antérieurs que sont TA13OO (2018), ZUU (2019) et enfin Unlocked (2020). Finie la rage primaire et violente pour laisser place à une prestance musicale inédite.
Y compris dans quelques morceaux plus « virils », il apporte une vraie musicalité grâce au timbre et à la densité de sa voix. Et s’il y a plusieurs titres sur lesquels on passera plus rapidement, il n’en demeure pas moins que l’album fourmille de morceaux qui pourraient laisser une trace dans l’histoire du rap américain.
Ainsi, Denzel Curry nous offre plusieurs classiques instantanés tel que Walkin, dont le chant de Bridget Perez est digne des BO italiennes des années 70, qu’il matte d’un flow aiguisé et maitrisé (quelle reprise après le premier couplet !) dont il ne se défera pas tout au long du disque.
On pourra également relever John Wayne qui constitue un trip presque expérimental et que sa voix et ses variations de flow rendent onctueux.
Et de nouveau, avec Mental et ses quelques notes de piano et à nouveau la douce présence de Bridget Perez, apparait une production légère et entrainante comme il faut, offrant un large spectre à son timbre et à celui de Saul Williams ici invité.
Autre temps fort, Ain’t no way se présente comme plus habituel dans les beats sur lesquels Denzel a l’habitude de frapper mais on notera l’effort collectif avec la présence de Rico Nasty, JID, et 6LACK autour d’un refrain qui évoque de grand classiques du rap US.
Dans la foulée se présente X-Wing, un autre classique instantané grâce à quelques violons et touches de piano qui ne sont pas même gâchés par le probable recours prudent à l’auto tune au refrain. Un sans-faute.
Puis nous parviennent les fantastiques percussions de Angelz et son piano aux tendances jazzy que Denzel vient mater avec toujours autant d’aisance.
Après quoi la rage revient discrètement avec la production sèche de Sanjuro qu’il chevauche sans la moindre hésitation ni vergogne et sur laquelle il invite 454. Vivifiant.
L’album se clôture finalement sur le charmant et très posé The Ills.
Globalement on remarquera des percussions aux sonorités magnifiques pour une production toujours très léchée et musicale, un sacré travail ! Les morceaux s’enchainent sans aucune incohérence et racontent une histoire musicale très aboutie pour un disque de rap. Le timbre de voix et le flow de M. Curry s’intègrent à merveille dans ce sound design léger qui le met clairement en valeur.
Une rencontre inattendue qui devient une recette efficace et agréable.
Plus accessoirement il est appréciable que les morceaux aient une vraie fin qui ne se résume pas à baisser le volume pendant 15 secondes. En outre, ce disque a d’agréable que les morceaux ne sont pas nécessairement très longs - beaucoup durent moins de 3 minutes - nous épargnant des longueurs pénibles qu’affectionnent souvent les rappeurs.
Une belle réussite que constitue cet album très Ears-Catching, pourtant moins évident qu’il ne le parait à la première écoute, mais qui, en tout état de cause, ne peut laisser indifférent.