Le post-punk est un mouvement musical protéiforme et fourre-tout. On y range en général tout ce qui est coincé entre les résidus de la révolution punk et la new-wave. D'ailleurs, il n'est pas toujours facile de faire la différence (et ça n'a de toute façon pas beaucoup d'importance). C'est amusant de voir à quel point des groupes différents cohabitent sous la même enseigne. Lancez un album de Magazine, le groupe créé par Howard Devoto après avoir fui les Buzzcocks, ou Chairs Missing de Wire, tout deux sortis en 1978 en pleine vague punk. Ça n'a rien à voir. Pourtant, les deux groupes sont des porte-étendards du post-punk.
On peut toutefois avancer qu'ils proviennent tout deux de la rébellion punk, celle venu secouer les arcanes du rock. Ce qui caractérise peut-être le mieux le post-punk, c'est la capacité que ces groupes ont eu à canaliser cette énergie brute démentielle en quelque chose de plus constructif. De plus intellectuel peut-être. On parle d'ailleurs d'art punk et d'art rock pour de nombreux groupes du genre ! On peut également y ajouter une bonne grosse touche de mal-être et de désillusion, qui va venir donner une touche très lugubre à bon nombre de groupes du mouvement (pas tous !).
Le groupe dont il est question ici, Public Image Ltd. est un des plus emblématiques du genre. Tout d'abord, son leader vient d'un des groupes de punk les plus connus de tous les temps, les Sex Pistols. Lassé de faire l'idiot, Johnny Rotten est redevenu Johnny Lydon et a décidé de faire de la musique plus sérieuse. Personne ne l'a cru, et pourtant ça a donné l'excellent First Issue en 1978. Sans pour autant renier ses origines, il s'appuyait notamment sur les lignes dub de son bassiste de légende Jah Wobble, et Keith Levene, monstre de puissance, échappé des Clash avant même qu'il n'ait enregistré un seul album. Une bombe atomique.
Et les revoici ici dans un album plus radical et intransigeant. Lignes de basse hypnotiques et d'une profondeur abyssale, arpèges stridents, et Johnny Lydon s’époumonnant tel un prophète déchu, sur fond de batterie haletante. Les ritournelles punks ne sont plus qu'un souvenir imperceptible. Ici, tous les morceaux sont beaucoup plus denses, éprouvants, plus répétitifs et aliénants, en prolongement direct de l'ultime morceau de First Issue, Fodderstompf. On entre en plongée dans un trou sans fond, malmené par ses lignes de basses incessantes, martelé par une rythmique complexe et pressée, halluciné par les plaintes ensorcelantes et une rigueur damnée. C'est bien la maîtrise ici qui sidère, tant chaque morceau est rigoureux d'inventivité et de chaos.
John Lydon, le mauvais garçon, continue de déblatérer ici sa colère contre la société. Sur Bad Baby, il plaint le sort d'un enfant abandonné à son sort malgré ses cris incessants (Someone is calling / Don't you listen), il se moque des hommes en costume sur The Suit (The lack in yourself / It is your nature) et plaint les carriéristes sur... Careering. N'oublions pas non plus ses quelques itérations sur le mal-être, tel un Baudelaire punk, comme avec l'incroyable Albatross (Getting rid of the albatross / Sowing seeds of discontent / I know you very well / You are unbearable / I've seen you up far too close).
Metal Box, c'est un tourbillon de vers le fond d'un fleuve trouble et glacial. Et pourtant on y retourne volontiers. C'est un album phare du post-punk, et un des plus originaux, avec un son viscéral et sans compromis.