Modern Nature par Michaël Bruce
Pour tout vous dire, je viens d’avoir 19 ans quand le 14 mai 1990 le single "The Only One I Know" tombe dans les bacs. Le fan de brit-pop et de la mouvance Madchester que je suis raffolera dès lors et pendant toutes les 90′s de ces mancuniens. Tout en restant fidèles à l’esprit du groupe, les albums auront cette faculté à toujours être en accord avec leur temps. "Some Friendly" (1990), "Between 10th and 11th" (1992), "Up to Our Hips" (1994), "The Charlatans" (1995), "Tellin’ Stories" (1997) et enfin "Us and Us Only" (1999) ne sont pas des disques qui vous feront relever la nuit, mais ça n’a jamais été la prétention du groupe. Ils ne se sont jamais souciés d’atteindre la célébrité, ils ont simplement toujours eu envie de faire de la musique et de réussir ce que pour la plupart rate : des disques cohérents avec de vraies pop-songs dedans. De plus, fait rare, leur talent ne s’est jamais tari pendant la décennie suivante. Enfin, pour conclure ce paragraphe, je les ai vu au Bataclan en 1992. Par conséquent, quand sort ce douzième album studio, plein de souvenirs ressurgissent et cette même idée que THE CHARLATANS restera l’un des groupes britanniques les plus sous-estimés de sa génération ou tout, du moins, loin de ses bases.
MODERN NATURE n’est pas leur premier LP en hommage posthume à l’un des leurs. Ils ont déjà perdu en 1996 leur claviériste d’origine Rob Collins (33 ans), décédé dans un accident de la route. Ils ne baisseront pas les bras et sortiront, quelques mois plus tard, "Tellin’ Stories". Peut-être leur meilleur disque à ce jour. Puis, en Août 2013, le membre fondateur et batteur Jon Brookes (44 ans) a finalement succombé à une tumeur au cerveau, révélée lors d’une crise à mi-concert lors de la tournée de 2010. L’histoire se répète on dirait. Dès lors, Gabe Gurnsey de Factory Floor, Stephen Morris de New Order et Pete Salisbury de The Verve sont venus prêter mains fortes et leurs talents de batteurs. L’enregistrement sera émotionnellement difficile et accouchera pourtant d’une des meilleures galettes du groupe. Oui, l’histoire se répète.
THE CHARLATANS n’a eu de cesse d’être contemporain. De plus, après avoir expérimenté toutes les drogues, Tim Burgess est enfin sobre depuis quelques années et son enthousiasme, sa vivacité, tout autant que sa retenue, font que MODERN NATURE est si abouti. Modernes, THE CHARLATANS l’ont toujours été et cette nouvelle oeuvre, composée de multiples identités musicales, est dans la continuité de leur carrière. Ce long play glisse comme une promenade solitaire, contemplative et rêveuse face au couché du soleil. La pochette est parfaite pour symboliser son contenu. Têtes baissées, modestes, ils avancent.
Il y a des hauts ("Talking In Tones", "Emilie", "Let The Good Times Be Never Ending" et "I Need You To Know") mais jamais de bas. Il ne faut donc pas avoir peur, THE CHARLATANS sont des potes qui continuent leur bonhomme de chemin avec la même sincérité. Cinq ans après leur dernier effort, le plus faible de tous, ça fait sacrément plaisir de les retrouver avec cette créativité plus prometteuse que jamais, malgré les drames. Manchester, et plus largement l’Angleterre, peuvent vraiment être fier d’eux. Comme, à mon humble niveau, je le suis.