Evan Parker – Monoceros (1978)
Il y a quelques années de ça je me baladais Rue Fontaine à Vannes et, en sortant du resto où j’avais couscoussé, je tombe devant la vitrine d’un libraire d’occasions et je vois, au milieu des livres, la pochette du « Monoceros » d’Evan Parker, pas de doute version originale. Dès le lendemain matin j’y suis retourné, et là j’entre dans une boutique remplie de livres sur les étagères, là ça va, mais aussi sur la table, dans les allées de circulation, ne laissant le passage qu’à une personne à la fois, de la culture plein les allées sur des mètres de hauteur, mon étonnement provenait de ce que tout ça tenait, et, me dis-je, pour combien de temps encore ?
Le type était plus que sympa et on a bien discuté mais ce serait long à raconter, j’ai tendance à entrer en conversation assez facilement et quand on parle la même langue, genre free jazz par exemple, ça peut durer, j’ai pris un lot et celui-ci en était le fleuron, enfin pour moi.
Je dis ça parce que je le sais bien, un album de saxo soprano en solo, ça peut faire fuir le pèlerin. Pourtant celui-ci est tout à fait extraordinaire, du souffle continu à foison, on pourrait penser qu’il y a une machine de l’autre côté du saxophone car le gars produit du son d’une façon énorme et sans discontinuer. Je ne sais pas si vous avez essayé ce truc avec un sax mais c’est une folie ! Bon je reconnais que même pour jouer « au clair de la lune » je crache déjà mes poumons et que l’exemple est mauvais, mais vous m’avez compris.
Ici il y a quatre monocéros, le 1, le 2, le 3 et le 4 ! Le premier occupe toute la première face et le gars arrive au bout toujours vivant, une "apnée" de vingt et une minute et trente secondes, ça s’écoute, et sans ennui. L’impro est dense, une sorte de combustion vive qui se nourrit de son air sans cesse renouvelé.
La face B comprend les trois autres parties qui, chacune, raconte une autre histoire, une histoire de Parker. Au dos de la pochette on voit Evan avec une sorte de tuyau qui sort de son crâne, je me doutais bien qu’il y avait un truc ! Il explique aussi que le « direct-cut process », utilisé ici, est un système qui garantit la pureté du son, c’était donc ça, cette sensation d’immersion !
Evan Parker explique qu’il lui a fallu deux années pour trouver une situation où ce système pouvait fonctionner de façon convaincante et que cet album est le résultat de ces recherches. En tout cas le voilà gratifié d’une parution au titre du FJMt° et c’est immensément mérité !