A quoi peut-on s’attendre lorsque Coldplay sort un album en 2024 ? Des espoirs de revenir sur un album ambitieux, ce qui je dirais, n’est pas arrivé depuis 10 ans. Le dernier en date est Ghost Stories, bien que ce ne soit pas non plus le meilleur exemple.
En effet, un Mylo Xyloto, représente sans hésitation le dernier album vraiment travaillé du groupe qui faisait suite à deux chefs d’œuvres ; aussi bien dans la cohérence, que les idées, la variété, le nombre de grosses pistes, des singles marquants, que les sons utilisés... Brian Eno, le producteur était encore dans les parages, et ce n’est pas un hasard, bien qu’ils ont su faire sans avant lui.
C’est donc concrètement le quatrième album orienté pop qui nous amène à Moon Music, se prétendant être le volume 2 de Music of the Spheres sorti 3 ans auparavant. Ce qui engendre de l’excitation mais aussi évidemment de la crainte, tant Coldplay était en roue libre au niveau de certains de leurs choix dans la structure du dernier disque et dans son ensemble, les choix étonnants des derniers albums tout court. Je ne comprends toujours pas comment on peut avoir un My Universe et Coloratura dans un même album, et cet exemple suffit à avoir cette peur répétée et définitive lorsqu’ils reviennent mettre à jour leur discographie.
L’excitation remplit néanmoins tout mon être à l’idée qu’un de mes gros groupes que je suis depuis 25 ans revient avec un album. Groupe qui réussit encore à me surprendre sur certaines de leurs idées et musiques ces dernières années avec cette passion addictive que je ressens sur leurs accords, le chant et la voix du chanteur, la guitare, les sons, l'énergie mélancolique, ce beau ou cette good vibe, dans leur style.
Encore une fois, ils ont cette fâcheuse habitude de dévoiler trop de musiques avant la sortie de l’album, même si cette fois, c’est surtout avec quelques lives qu’ils ont pris le choix de le faire.
On ouvre le bal avec ce titre-album, on rentre directement dedans, les émotions sont clairement au rendez-vous avec Jon Hopkins en collaboration. La magie Coldplay est déjà présente. C’est simple, c’est beau et naturel, je valide cette entrée en matière, jusqu’à la transition comprise qui ouvre superbement le lead single de cette dernière fournée qui n’est autre que flifil.
Titre qui rappelle le style Mylo mais en un peu différent et ça fait plaisir. On est pas sur le cul de la nouveauté non plus, mais il se passe quelque chose. La musique est progressive, la guitare (un peu cachée) arrive, pas de doute, c’est Coldplay. Les chœurs de fin m’ont fait dire pendant un moment que Chris abuse avec ces « lalala », d’ailleurs beaucoup trop présents sur cet opus, mais de fil en aiguille, le charme de la beauté infinie qui leur est caractéristique opère et je finis par les valider pour celle-ci. Outro propre pour terminer, c’est ok. Coldplay part sur ça, c’est un bon début d’album à esprit céleste, très cohérent avec la pochette, très belle au passage, hâte d’avoir la piste suivante.
La suivante c’est WE PRAY et c’est le second single, et directement la rupture de style écorche l’oreille, on se demande pourquoi on va vers ça soudainement. C’est frustrant. Une musique qui aurait mérité d’être plutôt en bonus. Malgré tout, ce Coldplay-rap est propre et bien fichu même si ce petit passage à 2min35 est insupportable pour mon oreille.
Que va-t-on avoir après cette étrange étape d’album qui commençait comme un nouveau Mylo ?
JUPiTER ; je ne comprends toujours pas la transition, pourquoi c’est là ? Une chanson qui rappelle ce qu’il y a pu avoir dans l’intéressant album Everyday Life, mais qui ici, reste anecdotique. J’ai très peu d’émotions. Cet acoustique ne me fait pas rêver. La fin relève un peu la sensation quand on repart sur ce bizarre vaporeux, mais qu’est-ce que ça vient faire là d’un coup ?
Il va falloir revenir sur quelque chose de très bon.
Arrive GOOD FEELiNGS, d’un style se rapprochant de A Head Full of Dreams qui ne m’avait pas manqué. Une sorte de Jungle Like peu inspirée, et encore pour reconnaître Coldplay ici, faut bien tendre l’oreille. J’aime pas l’énergie, c’est plat, il n’y a pas grand-chose, le chant de Ayra Starr n’apporte rien.
On sort forcément de l’album à ce stade qui commençait bien.
On enchaîne sur ALiENS HITS/ALiENS RADiO, AH revoilà Coldplay et c’est direct. Cette profondeur, ces sons travaillés, ce mystère, ce beau, bordel.
Sur quoi ça va nous emmener ? On atteint la grosse émotion à 1m30, le kiffe. Ca s’arrête soudainement, on se demande pourquoi encore une fois. Suit une longue ballade, pas mauvaise, mais pas nouvelle pour autant et trop longue.
On arrive sur iAAM, on recommence à causer, retour sur un Viva-album style avec sa touche Moon Music. Pas un Coldplay très surprenant mais efficace. C’est costaud, je valide.
AETERNA arrive et là c’est ma libération. On est typique dans ce Coldplay OVNI qui va être quasiment immédiat en moi, on est dans mon style, j’adore, ma musique de l’année 2024. Le gros problème est qu’elle n’est pas bien amenée et mal mise en valeur, comme à peu près tout l’album malgré les supers moments qui peuvent exister. L’outro, n’apporte pas.
Ensuite, encore un enchaînement surprenant pour ALL MY LOVE, avec une ballade typique du groupe, une montée en puissance progressive. C’est beau mais a un goût de réchauffé et là encore, ce n'est pas bien amené dans l’album. J’aime beaucoup le son de la guitare à la fin, ce qui est un détail à prendre en compte dans un album où cet instrument, qui fait pourtant parti de leur ADN, est quasi inexistant.
On arrive sur le terminal ONE WORLD, d’un album foutoir et inconstant et encore une fois la réflexion revient de se dire « Ah revoilà Coldplay ». A 2m05, incontestablement le moment le plus profond de l’album, Eno à l’origine de cette idée géniale, ça marche du tonnerre. Le torrent d’émotion se prépare pour aboutir sur un magnifique violon, j’ai du mal à ne pas craquer à ce moment, ça coule sur ma joue, la question c’est POURQUOI.
Pourquoi encore une fois un album aussi mal structuré avec ce potentiel immense parsemé de la magie Coldplay qui caractérise leur prime ? Et cette sensation résiste jusqu’au bout car ici encore, l’outro n’est pas indispensable.
Que retenir de cet album ? Ce n’est pas évident car on reconnaît à la fois le génie d’un groupe qui a encore des choses à dire et en même temps c’est bourré de frustrations diverses, on ne comprend pas tous les choix, un manque de surprises, certaines transitions, des musiques qui ne se connectent pas assez, bien qu‘on comprenne ce qu’ils ont voulu faire. C’est bien la le problème qui concernait aussi le précédent, cette sensation de puzzle incomplet qui règne encore une fois. Eno les a convaincu à la période Viva d’aller vers là où leurs envies du moments les emmènent, mais si c’est pour bâcler l’ensemble d’un disque et lui donner cette sensation de rester sur sa faim, c’est cruel.
Répétons le, où est passé la guitare de Buckland, non seulement étouffée (et pourquoi pas), et bien trop peu présente ; ce qui rend trop fade le global par rapport à ce qu’ils peuvent faire. Ce qui prouve encore une fois que ce groupe doit revenir à un son plus rock pour retrouver de leur superbe.
C’est incroyablement dommage car on sent un potentiel de profondeur qui n’a peut-être jamais été aussi fort, et cette sensation d'une ambition non exploitée d'avoir voulu faire un disque sur un thème qu'ils adorent, l'amour, et ici avec un grand A.
Mais le pire dans tout ça. Le pire… c’est quand on écoute les trois bonus inédits de l’album, qu’on peut retrouver dans l’édition étendue. Man in The Moon, The Karate Kid et A Wave (+ l’alternative de iAAM). Que dire, bah y a qu’à écouter, pourquoi est-ce mis de côté ?
Pourquoi a-t-on cet enchaînement des trois dispensables pistes : 2, 3 et 4 dans l’album, et ces bonus en bonus ? Mention spéciale pour The Wave, cette mélancolie incroyable qu’arrive à mettre Chris dans sa voix sur cette belle instru qui d’ailleurs est trop courte, mais qui, en transition, aurait été formidable ? C’est comme si le groupe se disait sur cette piste, pour n'en citer qu'une, « Bon on arrête les conneries et on retourne à nos basiques et notre ADN ? » après avoir garder des musiques dans l’album dont les choix sont regrettables.
7/10