Moving Up Country est made in Scotland', enregistré en un mois dans une maison de campagne sur la côte. Un environnement idéal pour un songwriting en pure laine, vierge de trop d'influences. Pourtant, parfois, les compositions sereines et champêtres de James Yorkston rappellent des vieilles scies de Burt Bacharach jouées par des musiciens de pub ? Raindrops Keep Falling on my (Scottish) Head. Parce qu'il y a beaucoup de piano acrobate, on dirait parfois le Ben Folds Five. Mais si l'on devait absolument comparer James Yorkston à quelqu'un, on citerait assurément Lambchop et toute cette clique de musiciens américains qui travaillent la musique comme une pâte à gâteau, sans recette stricte mais avec une impressionnante intuition des gestes et des ingrédients. Mais son vrai truc, ce qu'il aime écouter, c'est Oumou Sangare, D'Gary, Ali Farka Toure, l'Orchestra Baobab, Cesaria Evora. Ça ne s'entend pas littéralement dans sa musique, mais il y a sans doute un lointain cousinage entre eux et lui. Un besoin d'espace, l'horizon infini et le ciel doux au-dessus de la tête.
On peut éventuellement regretter qu'avec autant d'espace et de possibilités autour d'elles, les mélodies s'éloignent si peu de la maison. Ou on peut l'apprécier, goûter le disque pour ses vertus domestiques, sa politesse naturelle, son élégance discrète. Dès les premières secondes de l'album, on entend des percussions qui ressemblent à des pas dans de l'herbe mouillée. Sur les trois premiers morceaux, il n'y a pas de batterie, seulement des percussions. Et beaucoup de piano, de l'accordéon, de l'harmonica, de la contrebasse ? les ingrédients de James Yorkston, réunis sous le nom de The Athletes, le groupe qu'il a fondé pour enregistrer son album. De l'aveu de James Yorkston, ce nom est une blague. Car ces athlètes n'arrêtent pas de sortir du stade pour aller se promener, ils ne jouent pas solo, ils ne cherchent jamais la performance, ils ont des ambitions modestes (mais saines). Ce sera la grande leçon du précieux Moving Up Country : tous les Athletes ne sont pas dopés. (Inrocks)


De Nick Drake à John Cunningham, l'ignorance, la surdité, le mauvais goût et la médiocrité à travers les époques ont délibérément ignoré les hommes et leurs guitares acoustiques, enterrant des carrières, des chansons divines, des arrangements hors du commun, des cordes rouillées, des corps refroidis et usés par le mépris. Il est donc de notre devoir de proclamer haut et fort, ici et maintenant, que l'Écossais trentenaire James Yorkston est un génie, que son premier album sort le 20 août et que vous devez en faire l'acquisition toutes affaires cessantes. Déjà remarqué sur un long morceau unique sorti en maxi, et il va sans dire magnifique (The Lang Toun malheureusement absent ici), Yorkston confirme évidemment tout le potentiel entrevu lors de sa première expédition. "I'm not the man you thought I suppose/You leave me tender to the blues/To the blues..." Voilà le genre de chansons indispensables qu'il chante sur une musique champêtre et profonde, héritée du folk anglais, de Nick Drake, John Martyn, Bert Jansch ou de son compatriote John Renbourn, à la fois noueuse et légère, puisant à la source du blues et de la country, de l'Amérique donc, et de John Fahey en particulier. Mais James voit plus grand encore, en allant chercher le silence et l'espace chez Robert Wyatt et Talk Talk. Tout au long de ce Moving Up Country, se trace un parallèle évident avec Shankly Gates, le chef-d'oeuvre oublié de John Cunningham. Même mélancolie lumineuse, même souci de dépasser ses influences, même volonté de ne vouloir gommer aucune piste, du jazz à la pop, à l'aide d'un groupe au diapason. Les deux hommes ne se connaissent pas, ils sont pourtant frères d'â(r)mes, sortant à dix ans d'intervalle les deux plus beaux disques de folk enregistrés en Grande-Bretagne de notre vivant.(Magic)
La vague acoustique (sobriquet médiatico-marketing : "the new acoustic movement") du début 2001 ayant fait long feu, c'est avec un salutaire recul que l'on peut jeter une oreille sur ce premier album de l'Écossais James Yorkston. Plus que dans ce mouvement éphémère, "Moving Up Country" s'inscrit sans faire d'esbroufe dans la plus large tradition du folk britannique, de ses plus brillants artisans comme de ses meilleurs et plus récents restaurateurs. Autant dire que les esprits chagrins y chercheront en vain une once de modernité. Mais qu'ils se casseront également les dents pour y trouver une mélodie bas de gamme ou ne serait-ce qu'un gramme de facilité. L'Écossais enchaîne en effet les merveilles tout du long de cet album, à commencer par les deux premiers titres, "In Your Hands" et "St. Patrick", à tomber. Comme les suivantes d'ailleurs, en fait. Pour un premier album, voilà qui place la barre assez haut. De sa voix de gentleman un peu ivre, James Yorkston conte sur des mélodies superbes et mélancoliques ses histoires de filles (beaucoup) et d'alcool (un peu), sobrement (sic) accompagné par ses Athletes (re-sic), as en matière d'arrangements moelleux et variés : harmonica, accordéon, violon, bouzouki, banjo, lap steel, orgue Hammond... se succèdent tout en finesse. Très tranquille, le rythme indolent de "Moving Up Country" s'accélère le temps d'un "I Spy Dog" qui évoque tout autant le Belle and Sebastian de "Me and the Major" que Ben Folds pour son piano en folie, toutefois, le disque s"écoule globalement sans heurts. Et s'il y a un petit reproche à lui faire, c'est celui-là : "Moving Up Country" est un disque d'intérieur, un album à écouter le front collé à la vitre à regarder la pluie en rêvassant, bien content d'être au chaud, loin de la folie du dehors, qui à la longue, pourrait faire paradoxalement un peu défaut. Comme si James Yorkston avait des bottes de sept lieux, et qu'il ne s'en servait qu'en guise de pantoufles, en somme. Mais pas la peine de pinailler : des pantoufles comme celles-ci, on y passerait bien l'hiver. Parfait architecte d'intérieur, James Yorkston sait transformer les lieux communs en nid douillet : coup d'essai, coup de maître.(Popnews)

C’est la toute fin des années 90, James Yorkston voit s’approcher la trentaine à grands pas. C’est le temps des questionnements, déjà du renoncement. Huckleberry, le groupe au sein duquel il se cachait n’a jamais fait d’étincelles mais lui a donné un léger goût de ce que pourrait être une vie de musicien. Léger et frustrant. James Yorkston décide donc d’en rester là, songe à reprendre ses études, regagne Fife, sa région natale de l’Est écossais. Il y retrouve son ami Kenny Anderson, qui vient d’ouvrir un magasin de disques, Fence Records, et organise des concerts chaque mercredi. Dans les rayons de sa boutique, Kenny glisse les CD-R qu’il enregistre sous le nom de King Creosote. Cet activisme discret encourage Yorkston à se lancer dans l’écriture de ses propres chansons. Les débuts sont laborieux mais il tient bientôt une bonne dizaine de titres, dûment gravés sur CD-R, écoulés chez Fence Records à… six exemplaires ! L’Écossais passe ensuite par la case John Peel, envoyant une démo au mythique DJ anglais, sans succès, avant de publier un 45 tours sur le label Bad Jazz Records, ticket magique pour une longue tournée en première partie du vétéran John Martyn. C’est lors d’un de ces concerts que Laurence Bell, patron de Domino, tombe en amour devant ces chansons folk très singulières et propose immédiatement un contrat à James Yorkston. On ne peut pas dire que le label choisisse la facilité puisqu’il publie dans un premier temps The Lang Toun (2002), mélopée folk hypnotique de dix minutes qui occupe la face A d’un beau vinyle 25 cm. Concertina, guitare, percussions et harmonium semblent s’enrouler sans fin autour de la mélodie, portée par la voix calme de Yorkston. En face B, le même morceau prend quelques couleurs électroniques, passé sous le contrôle de Four Tet. En un geste libre et audacieux, James Yorkston vient de poser la pierre fondatrice d’une discographie étonnante et sublime, à la fois solidement ancrée dans le patrimoine folk et farouchement moderne dans son approche et ses amitiés musicales. Ce premier single, devenu plutôt rare, est l’une des bonnes raisons de se procurer la réédition de Moving Up Country (2002), qui célèbre les dix ans de ce coup d’essai en forme de coup de maître. Essentiellement produit par le génial Simon Raymonde, l’album mobilise une demi-douzaine de musiciens autour de chansons sublimes : neuf compositions originales et une reprise d’un traditionnel (I Know My Love). Préciser qu’on n’entend pas véritablement la différence entre les titres composés par Yorkston et cette reprise est à la fois un compliment sur une écriture limpide et magnétique mais aussi une bonne indication sur ce qui prime ici : les orchestrations et la mise en son. C’est une somme conséquente d’instruments traditionnels qui sont mobilisés, avec un sens de la nuance et un équilibre stupéfiants. Armés de claviers, cordes, vibraphone, flûte, clarinette, percussions, mandoline ou guitares, les Athlètes procèdent souvent par ajouts progressifs, par petites touches qui colorent les mélodies jusqu’à obtenir un paysage riche et dense (In Your Hands, St Patrick, Sweet Jesus). Le tempo est le plus souvent nonchalant mais s’accélère à l’occasion (Cheating The Game, l’incroyable I Spy Dogs ou la joie communicative du jeu collectif). Au cœur de l’album, Moving Up Country, Roaring The Gospel est une merveille tricotée avec une simplicité émouvante et une chaleur qui évoquent le grand John Cunningham. Le deuxième CD de cette incontournable réédition propose la très belle Peel Session de janvier 2003 ainsi qu’une grosse poignée de démos inédites, qui pointent à la fois la solidité de l’écriture de James Yorkston et son attention aux arrangements, même sur des versions de travail (6:30 Is Way Too Early a une belle densité et I Spy Dogs déjà une étonnante dynamique). On s’arrête aussi avec plaisir sur quelques raretés, notamment Worthy Souls, fantaisie au rythme saccadé avec un piano qui joue au yo-yo, et Catching Eyes, belle ballade dont la version studio se trouve en face B du single St Patrick (2003). Mais la découverte de ces démos ne rompt pas le charme unique de chansons à la fois immédiatement familières et profondément singulières. Dix ans après, Moving Up Country conserve intactes sa chaleur enveloppante, sa beauté pâle et mystérieuse. (magic)

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le 26 févr. 2022

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