Il n’y a plus à présenter Redman. Ce vieux de la vieille originaire de Los Angeles enchaîne avec une régularité sans pareille les albums. Dernière plongée avec Mudface, très loin de traîner la discographie du bonhomme dans la boue.
Redman, c’est peut être un des noms oubliés du Hip Hop, quand il convient d’en écrire les lignes d’or. Certes, la notion de sous-estimation est souvent galvaudée, fait office d’introduction facile. Pourtant, bien malin sera celui qui saura dire où n’a pas été Redman, à quel mouvement ou à quel succès il n’a pas participé. On n’est pas dans la liste des rappeurs préférés d’Eminem pour rien.
L’art de la mise en scène et de la punchline, voilà les deux maîtrises sans faille de celui qui a hérité et mérité le sobriquet de « Doc ». A défaut d’être son grand projet de cette moitié de décennie, Mudface est un joyeux bordel, un carnaval de ce que le MC sait faire de mieux. Deux caractéristiques qui collent parfaitement à « Beastin’ (MCA) ». Le morceau résume à lui seul l’album. Imparfait, parfois un peu simple, mais tellement charismatique.
Mudface, c’est un album construit à l’ancienne, à base d’histoires, de personnages et de continuité. Les meilleures preuves, l’introduction « Dr. Trevis » et « Muddy Island », présentes pour nous servir de guides et nous identifier à ce qu’on entend. A l’heure des albums et des mixtapes de collages désorganisés, voilà qui fait du bien. Derrière, Redman se cale des défis thématiques, et les relève à merveille.
Oui, certains titres sont presque dans l’esprit dub et raggae. Non, n’y voyez pas un passage mental comme du temps où le Dogg et devenu Lion, mais plus une vaste vanne, de bon goût, fort heureusement. « N***a like Me » lance les hostilités, sur ce petit challenge bien contextualisé. On peut le mettre en parallèle avec « High 2 Come Down », où le beat plus prononcé marque le step du dub. Heureusement, il s’en déleste des effets. Le résultat est plus posé, forcément.
Il n’y a pas que vers le pays de la verte vers lequel « Doc » s’envole. Parfois, il remonte quelques siècles en arrière comme Marty McFly et pousse les portes d’un bar poussiéreux de Western sur « Dopeman (feat. StressMatic) ». Souvent, il choisit le chemin des mafieux, comme « Let It Go », « Bars » et « Go Hard ». Quelle présence, sur chacun de ces morceaux. On ne sait pas qui a dit « Red is Dead », mais il s’est sacrément vautré. A moins que ce ne soit pour rire.
Et puis il y a les morceaux pour la rue, celles qui transpirent les pavés et le Hennessy. Il y a ce « Gettin’ Inside » suintant de realness, grâce à sa note unique et son beat syncopé tout droit sorti des vieux samplers. Même si les titres ne sont pas franchement ni intemporels, ni marquants, ni même générationnels, il n’empêche que Redman nous fait plaisir en se faisant plaisir. Tout en se gardant dans un coin de tête que Mudface n’est qu’un prélude, presque une mixtape, au tant attendu Muddy Waters 2. Damn.
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