Dans sa jeunesse, l'Islandais Mugi a travaillé sur des bateaux de pêche. On ne sait pas tout, mais peut-être qu'il a été avalé par une baleine géante et qu'il a commencé à écrire des chansons dans son ventre. Recraché sur la terre ferme, Mugi a enregistré des chansons sonnées, qui ne tournent pas bien rond. C'est un disque fait à la maison, et peut-être dans La Maison des feuilles de Danielewski : un disque plein de chausse-trappes, d'escaliers vertigineux, de perspectives délirantes. Ou alors, c'est la maison mitoyenne de La Maison de mon rêve de CocoRosie, comme si le chef-d'œuvre des sœurs Casady avait déteint sur le disque de Mugison. Ça commence par une adaptation du I Want You des Beatles. Pour le désir plus que pour la référence. Ça ressemble à un vieux Sebadoh particulièrement drogué, à John Frusciante avec plus d'instruments, aux géniales insanités que Beck aurait pu enregistrer de son vivant. Mugison n'est pas un groupe, c'est un média : une machine à ingérer et déformer les genres musicaux. Avec sa copine chanteuse Runa, Mugison traduit la pop dans une langue inconnue, excentrique, fiévreuse, asthénique. Mugimama Is This Monkey Music' est un disque arty chaud, moisi, odorant, délavé, gros carton chez les adorateurs de Cthulhu. Cette musique aléatoire semble s'inventer à chaque seconde. A la fin, un gars parle en islandais. On n'y comprend que couic, mais on attend déjà la suite. (Inrocks)
Tant la notion de "tout peut arriver à tout instant" dominait le travail de Mugison, il était impensable que l'oreille avertie de Matthew Herbert, musicien fouineur et propriétaire d'Accidental, passe à côté de la "démo" de Lonely Mountain. Il pigera très vite que ce drôle de diable sorti de sa boîte islandaise sans crier gare est à signer de toute urgence. Sorti en 2003 et habillé d'une pochette littéralement cousue de fil blanc, le disque est accueilli partout comme une brillante comète (trente-trois minutes chrono) se matérialisant dans un ciel pâlichon. À l'époque, Ornelius Mugison et sa famille n'imaginaient pas qu'ils en piqueraient à la main, plus de dix mille exemplaires ! Passé l'électrocuté I Want You, Mugison prend sa voix d'outre-fjord et d'une basse menaçante orchestre la construction surréaliste de The Chicken Song (ou Tricky fait du folk). Ne dérogeant pas à sa règle de mettre les proches à contribution, la douce voix de Runa (sa Mugimama et compagne) le rejoint pour des chansons d'amour simples et touchantes comme peu osent encore les faire aujourd'hui, où l'ordinateur crépite comme un feu de camp virtuel, What I Would Say In Your Funeral, 2 Birds et I'd Ask (les deux dernières étaient déjà présentes dans Niceland, une BOF chaudement recommandée et enfin disponible). Avant que le Mugifiston n'évoque de très anciennes légendes nordiques (Salt) et qu'une Mugichorale improvisée ne surligne le dénudé Hold On To Happiness, Sad As A Truck plonge dans un revigorant bain de blues furibard (par The Jon Geyser Explosion ?)... Le troubadour électronique aux allures de Damon Albarn version viking (mais doué du sens mélodique de Graham Coxon), confirme avec Mugimama Is This Monkey Music? qu'il est bien l'un des meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes à être surgi de cette mystérieuse île de l'Atlantique nord et à avoir dominé d'une tête, le test d'un deuxième album... Mugiréussi.(Magic)