La plaine de Gascogne est écrasée sous le puissant soleil d'août. Alors, le marcheur, las de voir le ciel bleu épouser sans fin cet horizon plat où rien ne s'accroche à l'azur, trouve refuge à l'ombre d'une maigre haie sise entre deux champs tirés au cordeau. À ses pieds, il découvre avec surprise que s'épanouit une vie foisonnante : un entrelacs insondable dans ce maigre espace de liberté, pris d'assaut dans un irrésistible élan vital.
Murmuüre est une ode aux chardons et aux ronces ; à la vie qui s'épanouit partout où le soleil et l'eau la fécondent la terre nourricière. C'est le foisonnement de la nature, le vrombissement premier, qui crache dans un capharnaüm infernal. C'est la crasse de la boue séchée au soleil, de la poussière sur les chemins, de la terre où plongent les racines profondes, d'une saturation vociférant dans un amplificateur trop faible. Une superposition vertigineuse de nuances, de touches, de sons, toujours étrangers les uns aux autres. Un entrelacs de ronces, d'atmosphères, de pistes de synthétiseur.
Et, dans une accalmie, il y a les mouches qui sifflent dans les oreilles, premières invitées au dîner macabre ; et puis les cigales qui chantent dans les vergers les douceurs de l'été, invitant l'assistance aux voluptueux délices des sens. Il y a aussi le ciel étoilé, les planètes qui dansent là-haut la valse d'ici-bas, dans le silence des grands espaces insondés — microcosme et macrocosme réunis.
La batterie peine à suivre cette cacophonie toujours en mouvement, toujours changeante, irrégulière à elle-même. Et pourtant, il s'y cache une harmonie secrète, un rythme rigoureux, une structure bâtie par un Compositeur tissant le divers et le multiple dans le beau et l'harmonieux, fidèle qu'il est aux lois du monde comme l'est une horloge astronomique aux lois mécaniques. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. »
Tout comme, derrière les feuilles argentées du saule baignant de soleil, derrière la spirale parfaite de la coquille d'un escargot, derrière les pois ronds des coccinelles, derrière la mort essence de la vie, derrière les chardons qui assiègent la forteresse en ruines, se cache un on ne sait quoi de plus. Le dieu cornu qui vit dans la haie a-t-il abusé notre voyageur ?
Méditant sur les impressions que me laissaient ce chef-d’œuvre que je ne cesse d'écouter sans me lasser depuis des années, un de ces très rares albums parvenant à faire de l'expérimental « qui souhaite réellement dire quelque chose », je suis tombé il y a quelques mois sur un entretien avec l'unique membre de Murmuüre — qui est originaire du Sud-Ouest de la France — dont une phrase, en particulier, m'a étonné :
I thought there was something to be done there, that could carry more sunlight, colors and "tradition" than the usual nordic, corpse-paint panoply.
Un secret de plus, enfoui dans l'âme du monde.