"Préface du Premier livre d'airs

Je ne cultive guère l'éloquence ni ne fais profession de Musique, bien que j'aime grandement l'esprit et chérisse l'harmonie. Ma carrière ayant été vouée aux Armes, comme le fut mon éducation, c'est vers la Musique que s'est tournée la seule part féminine de moi-même, toute générosité car jamais mercenaire.

Célébrer la musique vaudrait autant que déclarer : Le soleil resplendit. Exalter ma propre personne montrerait la vaine gloire de mes labeurs. Aussi dirai-je seulement : mes ouvrages sont fort éloignés de la servile imitation ; à autrui je ne dérobe nulle invention, ne recours à l'italien pour composer mes airs anglais ni ne pille les chansons pour enfler mes volumes.

Ce sont ici Fantaisies de ma façon, exprimées par mon propre Genie ; si elles n'ont l'heur de te plaire, lecteur, produis alors les tiennes - Carpere vel noli nostra, vel ede tua.

Pour user d'honnête brièveté et accourcir mon propos je déclarerai donc que dans son titre réside tout entier le contenu de mon livre, lequel (si je ne m'abuse d'espérances) ne décevra point l'attente des nobles esprits dont l'approbation serait le couronnement de mes malheurs.

Et de ce jour, la noble viole de Gambe pourra avec aisance rendre une harmonie tout aussi variée et artificieuse que celle du luth. Car je proteste ici devant la trinité de la musique, savoir : parties, passion et diminutions, que celles-ci se trouvent réunies avec autant de grâce dans la viole de gambe que dans l'instrument le mieux reçu qui soit : voici ce que, avec la résolution d'un soldat, je soumets à l'acceptation de tous les nobles tempéraments."

Le recueil "The first part of Ayres" contenant les "Musicall Humors" - publié en 1605, année de publication du cinquième livre de madrigaux de Monteverdi - de Tobias Hume est consacrée à des pièces pour viole seule. Il met à l'honneur cet instrument par des pièces éclectiques - preuve de nombreuses influences -, avec de multiples nuances de caractère - dans un élan déjà baroque, faisant intervenir divers styles de jeu. La sélection qu'en a faite Jordi Savall en est une illustration remarquable - les Gaillardes répondant à de magnifiques Pavanes (comme Captain Humes Pavin), des pièces élancées et enjouées à d'autres graves et mélancoliques, "Life" à "Death" et "An Answer" à "A Question" - sublimée par son interpréation bien mise en valeur par une prise de son proche et vivante.
AriaRidente
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le 21 août 2013

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