C'est la saison des récompenses. On en a vu des belles passer dans les dernières semaines, avec évidemment la consécration de Leo et de Mad Max au cinéma, mais aussi hélas des choses moins jolies du côté du monde musical. Les Grammys ont été, comme souvent, le lieu de l'adoubement de la soupe FM des Ed Sheeran et autres Taylor Swift ; mais ont aussi consacré Muse pour Drones, continuant ainsi d'acclamer le trio anglais après les avoir totalement ignorés avant 2009. Ce qui en dit long sur le crédit que j'accorde à cette manifestation de la bien-pensance. Je pensais que ces braves Anglais rétabliraient la justice aux Brits, mais non contents de la razzia d'Adele, Coldplay ou One-D, ils n'ont même pas été foutus de distinguer Tom Dalgety. Alors je boude, très fort. Mais quel rapport avec Wolf Alice ? Eh bien eux aussi sont passés à côté d'une récompense aux Brits, nominés pour la découverte de l'année et finalement doublés par Catfish & the Bottlemen. Un scandale de plus ? Ahem... (1, 2, check)
Avant toute chose j'aimerais remercier KEXP, qui m'a toujours soutenu dans les moments difficiles et sans qui ma bibliothèque iTunes n'en serait que plus vide. Ton Morning Show est une vitrine trop rare pour les groupes qui écrivent tous les jours l'histoire du rock alternatif d'aujourd'hui. Rien que pour ça KEXP, je te dédie cette critique. You da real MVP. Et c'est donc grâce à toi que j'ai découvert Wolf Alice quelques mois en arrière, la formation londonienne étant passée dans les studios de Seattle pour une session de haute volée en mars 2015. Coup de foudre immédiat pour ce quatuor qui suintait le grunge, promettant plein de belles choses pour leur premier album, My Love Is Cool, paru depuis en décembre 2015.
Avant cela, quelques singles et un bon EP, Creature Songs, dont le titre phare Moaning Lisa Smile était l'opener de la session en question. Un riff brut à la Jaguar saupoudré d'une guitare lead sautillante, le tout explosant dans un refrain redoutable : on était là dans le gratin du rock alternatif, celui qui monte sur les épaules de Kurt et Corgan pour aller planter un clou supplémentaire dans l'étagère de leurs successeurs. Une étagère sur laquelle on retrouve aujourd'hui les skeuds de Dilly Dally, Tigercub, Drenge ou Dinosaur Pile-Up, que Wolf Alice aimerait bien rejoindre parmi les références de ce nouveau grunge. Du moins c'est ce que je croyais.
Parce qu'en écoutant ce premier album, je ne suis plus vraiment certain de l'orientation que souhaite prendre le groupe. La session KEXP m'avait préparé à une petite boule d'énergie bien poilue, notamment avec la très réussie Giant Peach et son intro à la Smashing Pumpkins, et surtout son riff d'outro totalement démentiel. Même impression sur l'acide Fluffy, incroyable d'intensité avec ses build-ups frénétiques et les cris stridents d'Ellie Rowsell ; deux chansons délicieuses que l'on retrouve avec plaisir sur le CD. Malheureusement un cache-misère derrière lequel se cache un album bien fade et noyé dans une prod dégoulinant de reverb.
Au mieux, les chansons sont correctes et s'écoutent sans trop de mal grâce à de bonnes fulgurances. C'est le cas de Your Loves Whore avec sa rythmique sympatoche et son outro au phaser ; de Lisbon et ses instants noise venant épicer une composition bien terne ; ou encore de la quelconque You're A Germ, qui survit grâce à son explosion inespérée à mi-course. Mais même celles là restent trop prisonnières de ce potage reverb tellement convenu et malheureusement si actuel. Et quand on enlève les fulgurances... Il reste des titres sans intérêt (Bros, Soapy Water), ou pire des pastiches pop à la Christine and the Queens (Freazy) ou Sia (Silk). Les pires étant sans doute l'interminable Swallowtail et surtout l'infâme Turn to Dust et son kick de boîte à rythme, aussi grunge qu'Arielle Dombasle.
Bref, deux bons titres et puis s'en va. Si l'on prend en compte le fait que Moaning Lisa Smile est incluse dans l'édition US, alors la session KEXP résume très bien l'intérêt de ce groupe si prometteur mais qui semble s'être complètement planté de sortie sur l'autoroute du grunge. Espérons qu'ils redressent la barre pour le prochain album, car quand ils sont au maximum de leur inspiration, Wolf Alice sont l'une des plus belles bouffées d'oxygène de la scène actuelle. En attendant, on débranche un peu la reverb, on se remet sur 90.3FM et on attend patiemment que les quatre londoniens règlent la mire. Thank you Cheryl.