Muriel Grossmann – Natural Time (2016)
L’album original correspond à la sortie Cd, mais elle s’est enrichie d’un titre sur la version LP de deux mille vingt et un, « Inner Fire » qui ferme l’album sur une bonne note. Comme toujours les vinyles de Muriel Grossmann bénéficient d’une bonne prestation, pochette solide en carton béton, et vinyles irréprochables.
Cet album est vraiment très agréable et plaira à beaucoup, on y retrouve les explorations modales à la mode coltranienne qu’on aime bien, mais ce n’est pas si appuyé que certaines fois. Pour tout dire il a le profil type de l’album que l’on pose sur la platine et qui y reste un bon bout de temps, avant d’y revenir très certainement.
En ce sens il fonctionne comme autrefois les albums de Coltrane, Sanders ou certains Don Cherry, Barbieri et Keith Jarrett, qui nous emplissaient d’une musique habitée, celle qui prendra souvent le qualificatif de « spiritual music » quand celle-ci deviendra à la mode.
Ici c’est un peu ça, les huit pièces sont assez longues, entre six minutes et plus de dix, et pourtant il semble qu’elles pourraient toutes s’étendre bien au-delà, sans jamais lasser ni fatiguer, en se renouvelant d’elles-mêmes, pour une nuit entière sans problème.
Ça tient à plusieurs facteurs, à l’avant les saxs de Muriel, soprano ou alto, qui improvisent sans cesse autour des thèmes qu’elle a elle-même composés. Juste derrière il y a la basse ronde de Gina Schwarz, une amie autrichienne de Muriel, on pense, c’est inévitable, à Jimmy Garrison, qui jouait avec des accents espagnols, ceux-là même qui s’entendent ici, mais dans un mode répétitif qui semble vouloir hypnotiser l’esprit.
Tout comme le jeu incroyable du guitariste Radomir Milojkovic qui improvise tout le temps, souvent à l’arrière, dans un petit coin du canal droit. Ce n’est pas indiqué sur les notes de pochette mais il y a également un bourdon qui s’entend dans le fond, à la mode indienne, comme le son d’un « tampoura », des effets qui s’ajoutent et participent à cette « transe » qui vous prend. Et puis c’est également un autre Serbe, Uros Stamenkovic qui tient la batterie, avec une très grande maîtrise et un son très aérien, qui comble les espaces et imprime ce rythme essentiel en dialogue avec la basse.
Un très chouette album, très bien exécuté, sans doute pas innovateur, mais ce n’est pas ce qu’on lui demande, car il a le pouvoir de ressusciter les sons anciens, et c’est déjà énorme.