L'homme qui chante, clame, miaule (appelez ça comme vous voulez) va se pendre. Oui je sais je spoile. Bruce Springsteen n'est pas vivant, il paraitrait qu'après cet album, il serait allé dans un vieux bled paumé dans le Nebraska (une ferme il parait) avec sa Buick rouillée, pour mettre fin à ses jours.
Ses jours, parlons-en.
1982, il a 33 piges comme le Christ sur la croix. Un signe ? En tout cas après avoir écouté (2 fois) l'album, un signe ne trompe pas : le désespoir qui se lit sur mon visage. Moi qui croyais que Radiohead était le groupe le plus dépressif de l'univers. Eh bah nan.
Nebraska n'est pas désespérant, il est probablement pire. Mis à part "Atlantic City" qui donne la croyance que ça va quand même bien se passer, tout le reste de la galette vous rappelle que vous devez rester la tête dans les mains, et refaire toute votre vie le temps des 40 minutes que dure l'album. Repensez à l'insouciance de votre jeunesse, l'acné de l'adolescence, les poils qui poussent, l'âge con toussa toussa, le passage adulte et les espoirs qui commencent progressivement à disparaitre, et le middle-age qui fait machine arrière et vous ramène tout doucement en mode régressif vers le stade de nourrisson. Bref, le cercle vicieux de la vie.
Nebraska c'est ça, le cercle lancinant d'une musique monocorde qui tinte dans votre tronche l'espace d'une mi-temps de rugby, où tous (ou presque) les morceaux sont basés sur le même pattern, où la voix de Bruce déclame, clame, miaule - geint devrais-je dire - sur le rythme d'un oscillogramme quasi plat.
Nebraska c'est l'ennui. Non pas l'ennui d'un dimanche pluvieux où tu regardes par la fenêtre les nuages qui forment un plafond bas et uniforme, mais l'ennui de la désolation mortifère que rien ni personne ne pourra vous sauver de cette mélancolie schizophrénique.
Ecouter Nebraska et mourir ? Je dirais plutôt mourir en l'écoutant.