Déception. Les fans de la première heure avaient malheureusement vu juste : Giant, l'album d'une reconnaissanceplus large pour Herman Düne, signalait bien un prochain déclin. De loin le plus abouti et satisfaisant des disques de la fratrie française anglophone, Giant s'avère bien difficile à suivre pour David-Ivar Herman Düne, laissé seul aux manettes (et donc à l'écriture) après le départ d'André, son frère incurablement indé, effrayé par le succès qui lui pendait au nez. Là où les chansons, échos d'une subtile complémentarité, enchantaient par leur parfum de Jonathan Richman apatride, elles sombrent désormais dans une désolante banalité. Les fidèles seront peut-être touchés par les aimables récits autobiographiques et anecdotiques de David-Ivar, les autres n'entendront qu'une enfilade de mélodies et d'arrangements convenus, sans éclat. Même When we were still friends, le meilleur morceau, n'est qu'une imitation de plus du Leonard Cohen des débuts... HC
“Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous”, écrivit Saint-Exupéry. Deux grands albums de folk français chantés en anglais viennent lui donner raison. Constellé de ballades éthérées et bercé par le timbre serein d’un certain Stanley Brinks, Dank U a surgi en plein mois d’août dans la plus stricte confidentialité. Gorgé de pop-songs solaires et de vocalises dorées, Next Year in Zion d’Herman Düne paraît ces jour-ci, avec la promesse d’une tournée mondiale à la clé. Ces deux-là sont génétiquement liés : Stanley Brinks n’est autre que le pseudo d’André, co-fondateur d’Herman Düne et démissionnaire du groupe depuis 2006. C’est juste après la sortie de l’album Giant, qu’il décide de jeter l’éponge, laissant son cadet David-Ivar et le batteur Neman seuls aux commandes. “C’était un cap, je ne me sentais plus à ma place musicalement. Aujourd'hui, on se voit beaucoup moins parce qu'on ne travaille plus ensemble, mais nos rapports n'ont pas changé”, explique André désormais installé à Berlin. Et David-Ivar de renchérir : “Je pense qu’après dix ans de vie commune, il avait besoin d’une expérience solitaire. Ça m’a fait mal au cœur au début, mais aujourd’hui, je me sens très bien. D’ailleurs, je reviens de Berlin.” Herman Düne naît à Paris, à la fin des années 90 et dévoile d’emblée un songwriting unique porté à deux voix anglophiles et quatre mains prodiges par les frangins franco-suédois. A la fois dépouillées et bavardes, poétiques et mélodieuses, leurs ballades folk-rock semblent surgies du fin fond des Appalaches pour offrir une jolie descendance à Jonathan Richman. Très vite, le trio est associé à la scène anti-folk qui essaime de New York à Paris (Moldy Peaches, Jeffrey Lewis…). Mais l'étiquette underground finit par devenir un peu trop collante à la barbe fleurie de ses membres érudits : le temps de la mue est venu avec Giant. L’ultime création fraternelle d’Herman Düne n’a pas volé son nom. C’est une œuvre panoramique et grandiose, dont la substance s’est enrichie d’une section de cuivres de Brooklyn, d’un groupe vocal féminin et de bongos. Des guitares calypso et un saxo viendront parfaire ce road-trip intemporel, aux confins abstraits de La Nouvelle-Orléans et des Caraïbes. Mais à peine le groupe se voit-il promis à une carrière internationale que la moitié de son cerveau se fait déjà la malle. En 2006, on ne donne alors pas cher de la peau d’Herman Düne. Rares, en effet, sont les formations qui survivent à l’amputation d’un membre fondateur. A l’inverse, on s’inquiétait de voir l’inspiration d’André tourner en boucle comme un vieux disque rayé. C’était bien mésestimer leurs génies respectifs. Avec Next Year In Zion, Herman Düne revient prouver qu’il est possible de révérer tout à la fois Leonard Cohen, les Shadows, Bob Dylan, Shangri-La’s, Will Oldham, Muddy Waters, Ennio Morricone, les musiques yiddish ou mariachi et le label Stax. Ce huitième album a beau compulser une somme délirante d’influences et de territoires sonores, il brille par sa cohérence avec, pour fil conducteur, le phrasé cuivré de David-Ivar. C’est à Los Angeles, face à l’immensité océane, qu’il a imaginé ses textes. Tantôt transie (Try To Think About Me), tantôt amère (When We Were Still Friends), tantôt légère comme une plume sur un wurlitzer (Baby Baby You’re My Baby), son écriture évite brillamment l’écueil de la naïveté. L’enregistrement de l’album a eu lieu en Provence, sur une console jumelle d’Abbey Road, live et en stéréo, comme au bon vieux temps de Rubber Soul. “Je ne prétends pas révolutionner la pop-music, je me contente juste de réutiliser les outils de mes disques idéaux”, explique David-Ivar qui a rappelé l’intégralité de la dream-team de Giant – engageant au passage son propre père à la voix et l’harmonica. Il y a quelque chose d’humble, et de finalement très décomplexé, dans sa façon d’orchestrer la succession d’Herman Düne. Enchanté par les chœurs célestes du girls-band The Baby Skins, rythmée par la batterie chaloupée de Neman, scindé de cuivres soul et de guitares surf, Next Year In Zion irradie de bonheur. Pas gaga pour autant, David-Ivar sait aussi empoigner le cœur : sur le bouleversant Someone Knows Better Than Me, il ressuscitera l’art ancestral du storytelling avec une poésie rare. A ce petit jeu-là justement, son aîné est un adversaire de taille. “Durant l’été 1973, un garçon est né et ce garçon, c’était moi (…)/ Ma mère était calme, elle était éduquée, elle a parcouru le monde, elle a étudié et peint (…)/ Mon père était docteur mais jouait de la guitare / Le jour de ta naissance, tu sais ce que tu vas devenir”, chante en boucle Stanley Brinks sur le single éponyme de Dank U, tandis qu’un vieux saxo dérange une guitare à la simplicité déchirante. En quelques vers, l’aîné introverti d’Herman Düne aura rarement mieux parlé de lui, des siens, du cycle humain. Et c’est comme ça sur tout l’album : un cortège lumineux de mélodies épurées, d’histoires intimes et d’impressions sur le monde. Son existence berlinoise serait tout sauf un exil. Si le garçon l’a élue, c’est pour mieux dilater le temps et s’y suspendre tranquillement : “On est encore au 20ème siècle ici, à bicyclette, sans téléphone de poche et avec très peu d'internet. Ça change dramatiquement comme partout, mais il est encore normal de vivre dans la rue. Les seuls artistes qui s' y installent ici sont ceux qui n'ont pas réussi ailleurs. C’est une bonne page blanche.” Stanley Brinks ne se lasse pas de la noircir. Artiste prolixe, il multiplie à l’infini les pseudos (Klaus Bong, Ben Dope, Ben Haschish…) et les genres (rock, blues, électro…). On sait dès lors ce qui nous manquera chez Herman Düne. Il y a d’abord cette voix d’un demi-ton plus grave et forcément plus mélancolique, mais aussi ce regard à la fois humaniste, onirique et décalé sur les dysfonctionnements modernes de notre monde.Soudain, le titre Next Year In Zion ressemble à une promesse. Si les deux frères ont emprunté des sillons divergents, un paradis perdu pourrait bien attendre quelque part de les voir à nouveau réunis. (Inrocks)
L’année prochaine, si tout va bien. Et tout ira bien. Après quelques secousses, Herman Dune s’est ressaisi. Muni de sa paire de petits tambours, le percussionniste Lori Schönberg (Berg Sans Nipple) donne ainsi toute la mesure de son jeu sur plusieurs passages de ce nouvel album, le huitième depuis l’inaugural Turn Off The Light (2000). Auprès de David-Ivar et de Neman, il occuperait presque le poste laissé vacant du troisième homme au sein d’un groupe prêt à être rebaptisé Incredible Bongo Band. D’entrée de jeu, My Home Is Nowhere Without You est parcouru par cette rythmique typique du bruiteur inventif. Supporté par une clarinette un rien klezmer, il entrechoque ses deux moitiés de noix de coco pour parfaire le trot un peu paresseux du cheval : Herman Dune sait où il va, à son rythme et selon ses moyens. Il assume la netteté de la production de Giant (2006) pour la réemployer à tel point qu’elle en paraîtra naturelle même aux fans de la première heure, quelque peu dubitatifs depuis la crise de croissance du groupe. Mieux encore, la tendance volubile de David-Ivar et son goût d’un anglais absolument audible, presque théâtral et sécable phonème par phonème, fournissent aujourd’hui la matière d’une poignée de tubes (oui, des tubes) en lieu et place d’une logorrhée dédiée uniquement à la confession. On sent bien que deux, trois choses ne sont pas tout à fait réglées et le désormais leader, parfois seul dans sa chanson (Someone Knows Better Than Me), s’apostrophe lui-même. Mais cette fois, il fait de ce “hey, David” un gimmick redoutable et efficace plutôt qu’un simple tic nombriliste. D’ailleurs, il a beau parler de lui, il pense souvent à quelqu’un d’autre (When We Were Still Friends et ses chœurs féminins qui lui intiment de rendre hommage au phrasé posé de l’aîné… Leonard Cohen). On ne sait pas toujours à qui il pense justement, comme on ne sait pas si, pour cette formation voyageuse (tout sauf des Herman’s Hermits), Zion désigne le parc national de l’Utah ou la célèbre colline de Jérusalem, pas plus qu’on ne sait si les trompettes mariachi – balises régulières propices à accompagner la flûte de Gheorghe Zamfir sur la scie The Lonely Shepherd – sonnent un enterrement. On ignore également si Herman Dune, d’humeur franchement calypso, souhaite tout simplement faire la nique à Vampire Weekend – ce dont il serait bien capable. On verra donc l’année prochaine, selon qu’on croise Herman Dune du côté de Guayaquil, de Zion, de Williamsburg ou de Saint-Ouen. (Magic)
Autant vous prévenir tout de suite, le dernier album d’Herman Düne est une bien belle déception. Car depuis l’immense chaudron musical qu’était "Giant", il semblerait qu’André Herman Düne soit parti du groupe en emportant la potion magique du songwriting, tant ce "Next Year In Zion" se révèle ennuyeux à écouter. Sans André, le groupe a énormément perdu de sa variété, la faute aux morceaux de David-Ivar passés en mode écriture automatique. S’il faut bien reconnaître que "Next Year In Zion" s’écoute sans déplaisir, la déception reste au rendez-vous. La faute aux textes de David-Ivar qui cherchent à retrouver la simplicité ultime de Jonathan Richman, mais se révèlent au final d’une naïveté confondante, doublé d’un certain cynisme à vouloir trop mettre en scène le nombril de son auteur. A ce titre on notera que On A Saturday, Baby Baby You’re My Baby et Try To Think About Me ont de quoi gagner le prix Nobel du texte le plus godiche, tandis que Next Year In Zion ressemble plus à un texte de vacances écrit sur un blog qu’ à une pop-song. S’il n’y avait que la pauvreté des textes, il n’y aurait pas de quoi s’emballer, mais la musique se révèle aussi d’un effroyable manque d’imagination. Les titres se ressemblent tous les uns des autres, la guitare acoustique est bloquée sur les mêmes accords, la basse et la guitare électrique sont vaguement inutiles et seules les percussions de Neman tentent de sortir l’ensemble des compositions du confort bourgeois dans lequel elles se sont bien malheureusement installées. Au final on retiendra quand même When We Were Still Friends et le Dylannien (Nothing Left But) Poison In The Rain qui sortent du lot et fonctionnent plutôt bien dans le style folk cool, mais ça reste finalement bien peu par rapport au reste. On se souvient encore avec émotion de l’anti-folk du superbe "YaYa", disque solo de David-Ivar, réalisé avec Neman. On ne retrouve malheureusement rien de tout cela dans le trop confortable "Next Year To Zion" et quand on le compare au superbe "Switzerland Heritage", c'est carrément la déception. Comme on aime bien Herman Düne, on espère juste que c'est un passage à vide ...(indiepoprock)