Nigerian Wood
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Nigerian Wood

Album de Keziah Jones (2008)

Nigerian Wood : quel bon titre qui en deux mots résume une grande intention. Ouvrir une voie maritime entre deux continents, Féla Kuti et les Beatles : qui mieux que Keziah Jones, Nigérian de naissance, Londonien de culture, pour y parvenir ? Et quelle déception ! Ce “bois du Nigeria” se révélant au final beaucoup trop spongieux pour assurer au projet une quelconque flottabilité sur le long cours. En outre, faute d’un plan de navigation ferme et assuré, le capitaine s’emmêle les compas et perd le cap. Dommage, le morceau d’ouverture promet un beau voyage, ébauchant la ligne d’un horizon rêvé où se rejoignent guitares juju et beat funk. Une vision dont la clarté doit beaucoup au choix du producteur, Karriem Riggins, particulièrement habile dans le mariage des textures sonores. Cette première impression ne survit pas, hélas, au cabotage approximatif des autres titres, Jones, paralysé par sa propre ambition, préférant pusillanimement accoster dans les eaux médiocres et tellement usées de la ballade sentimentale pour cœur pirate (Long Distance Love, Beautifulblackbutterfly, My Kinda Girl, aucune ne valant son Beautiful EmilieJokers Reparations) du disque précédent) quand on l’espère en Ulysse noir à la bagarre avec les remous du grand large. Entre l’envie de réussir un exploit inédit et la peur du naufrage, c’est cette dernière qui finit par l’emporter et par rendre cet album aussi frustrant. Ainsi lorsque Keziah Jones monte sur le pont pour se frotter à l’immense tragédie qu’endure son pays dans 1973 (Jokers Reparations) (1973 est l’année où le Nigeria a irrémédiablement basculé dans la dictature et une misère abyssale), il en perd tous ses moyens, produisant l’inconcevable : de la musique qui tourne carrée ! Il a beau invoquer les divinités du panthéon Yorouba (Unintended Consequences), le fantôme de Jimi Hendrix (l’album a été enregistré à l’Electric Ladyland) , le cousinage de Prince (African Androïd), quand ce n’est pas, mais timidement cette fois et dans un morceau caché, le parrainage de James Brown, on le sent fragile de partout, incapable de tenir fermement la barre qui devait lui assurer la grande conquête espérée. Dommage (Inrocks)

bisca
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le 1 avr. 2022

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