J'avais commencé ce texte il y a un moment, c'est un peu une triste occasion (parlez d'un Blue Monday) pour le revoir et le terminer.


Comme je l'ai déjà raconté avec l'épisode Garbage 2.0, quand j'étais un jeune Révérend, un novice en somme, encore au lycée, ou au collège, acheter de la musique c'était toujours un événement, non seulement car c'était un investissement, mais en plus il fallait se tenir prêt aux commentaires des copains. Déjà car du haut de nos 15 ans nous étions de fins critiques mais surtout, acheter un CD voulait dire qu'on allait le prêter aux autres pour qu'ils en fassent des cassettes. Là, je n'avais avoué mon achat que du bout des lèvres. L'un de mes amis avait déjà entendu l'album à cause de sa grande soeur et il m'avait fait remarquer que c'était un album mou, seule Zombie bougeait un peu. Peine perdue, moi je l'écouterais seul. Quitte, cas typique, à penser que je suis le seul fan du groupe, et de sa piquante chanteuse.


Il faut dire qu'à grand coups de matraquage l'été précédent mon achat, on l'avait entendue Dolores qui nous répétait ses "in your head, in your heeeaaad..." avec cette voix aussi pénible pour certains qu'envoûtante pour moi. A l'époque aussi nous subissions les assauts des pubs qui présentaient de minuscules extraits des clips de I Can't Be With You avec ce vieux monsieur aux ailes d'ange rouge et ses tons sépias, si on ajoute à cela le clip de Ridiculous Thoughts avec son Elijah Wood juvénile au ralenti et par-dessus tout celui de Zombie réalisé par Sam Bayer avec son martyr de St Sebastien pour MTV, on retrouvait alors toute l'imagerie des 90s grunge impossible à éviter. Les Cranberries de Limerick après un joli premier album, se retrouvaient, malgré leur folk plutôt évaporée, portés par des titres un peu plus musclés et inclus à cette déferlante. Cet univers m'attirait, et je reconnais avoir été un peu désarçonné en écoutant l'album. Je m'attendais à de la puissance digne de ce Zombie, bande originale de l'adolescence invincible que nous croyions vivre (quand bien même les paroles bien éloignées de nos considérations de jeunes rêveurs attisaient les braises pas tout à fait froides après le cessez-le-feu en Irlande du Nord). Mais je l'ai dit, j'aimais bien quand même. Pour la peine, je commençai par écouter l'album dans le désordre, d'abord tous les morceaux sortis en single, les plus accrocheurs, puis je m'enfonçai peu à peu sous la surface. J'apprenais à apprécier un album dans sa globalité tout bêtement.
J'ai jubilé lors d'un test de compréhension orale quand notre charmante assistante d'Anglais nous ressortit Ode to my Family en guise de texte à trou en 1ère, je m'endormais avec mon walkman en écoutant les apaisés Twenty One ou Dreaming My Dreams, je dévorais des Stephen King allongé par-terre accompagné par Ridiculous Thoughts justement ou Everything I Said et plus globalement, je trimbalait cette musique un peu partout en guise de bande son d'une période entre innocence, romantisme pur et dur et besoin d'évasion vers une Irlande imaginaire mais résolument verte.
Alors oui, les autres ne juraient que par les Red Hot Chili Peppers ou même par KoRn ou Biohazard, tant pis, je ne leur signifiais pas trop que les Cranberries avec leurs Doc Martens et leur canapé pourri m'avaient réellement soulevé. D'accord quand on a vu le concert de 1995 j'ai fait semblant de rigoler avec les autres. Mais, avec Weezer c'était le premier groupe dont j'écoutais l'album à sa sortie et ça on ne pourrait me le retirer.
Quand bien même la personnalité de la minuscule chanteuse et ses convictions pour le moins traditionalistes me parvenaient peu à peu (une icone grunge qui rencontre le Pape ?), je ne pouvais vraiment lui en vouloir pour m'avoir procuré tous ces moments de bienheureuse solitude, même si les albums suivants(à part Bury the Hatchet)voyaient mon intérêt s'étioler peu à peu, je restais et je demeure absolument attaché à cet album. C'est dommage de devoir s'appuyer sur une raison comme la soudaine disparition de cette voix pour finir par venir parler de ce No Need to Argue qui m'a été si personnel, sans doute que ça ferait passer n'importe qui pour une sorte de charognard. Daffodil Lament et sa succession d'émotions de la colère à l'apaisement, doucement, voilà ce qui m'est aussitôt venu à l'esprit en apprenant la nouvelle, Dolores O'Riordan y susurre, grogne, yodle, rugit, caresse, gémit, berce, hurle, câline, l'écouter après très longtemps depuis la dernière fois m'a replongé immédiatement dans une atmosphère qui devait encore flotter dans un coin de ma tête, c'est certain.

I-Reverend
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le 15 janv. 2018

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