Je dois bien le dire, cette critique tient plus de la réaction spontanée que d'une vraie réflexion de fond sur un album que j'adore particulièrement. En somme, j'assume pleinement mes excès d'enthousiasme. Il faut dire que pour moi Jane's Addiction représente le Rock à l'état brut. Cette critique est donc à l'image de son objet : sans concessions.
Jane's Addiction naît en 1985 à L.A., ville tentaculaire entre océan et désert qui accueille une importante scène Hard-Rock alternative. Leur premier album éponyme sort sur un label indépendant et est enregistré en live pour mieux capter l'énergie du groupe. Leur premier album studio "Nothing's Shocking" sort en 1988 chez une grande major : en fait le paradoxe du groupe, entre scène alternative et gros succès commercial façonnera d'autant plus leur image de rockstar. Dave Navarro en est l'archétype : Surmédiatisé, il incarne parfaitement le sex drugs & rockn'roll : Guitar hero marié à une playmate, il réalise un film porno, présente les AVN awards, apparaît dans des talk shows ... L'image du groupe se construit sur le caractère sulfureux que renvoient sa musique et l'esthétique qu'il développe. Cependant, loin de se résumer à banal cliché, "nothing's shocking" nous plonge dans un univers psychédélique, violent et cru.
Il suffit de regarder la pochette de l'album pour saisir la force esthétique du groupe. Le feu côtoie la nudité, l'érotisme côtoie l’ambivalence, l'inquiétant. C'est ce qu'on ressent à l'écoute de cette album, une énergie pure, déferlante. Une musique tantôt météorique, brute, tantôt éthérée, sombre et psychotique. La guitare de Dave Navarro est incroyablement puissante et la virtuosité technique qui très souvent me débecte est ici tout entière dédiée à la puissance du son. La basse caoutchouteuse et la batterie puissante et percussive donne au son un caractère à la fois lourd et aérien. La voix de Perry Farrell est incroyable : Elle semble venue des abysses pour jaillir et se déverser comme un raz de marée, torturée et cosmique. Les riffs sont d'une redoutable efficacité, du très très bon hard-rock.
Les textes de Perry Farrell collent parfaitement avec la musique. D'une grande force esthétique, les paroles tourmentées, hallucinées, métaphysiques nous plongent dans un univers de drogues, de violence, de rêve éveillé. "Ted, just admit it" renvoie au violeur et sérial killer Ted Bundy, "Standing in the shower thinking" à la violence conjugale. (L'analogie entre amour, sexualité et violence est récurrente), "Ocean size" et "Summertime Rolls" sont plus cosmiques, psychédélique. "Jane says", "Idiot rules" nous envoient dans un monde de marginalité. Le clip épileptique de "Mountain song" retranscrit cet univers à la violence sur-esthétisée.
Cette album, en gros n'a aucune mesure, tout n'est que fantasmes et destruction. Il est pour moi d'une grande puissance symbolique. Il exprime le Rock dans sa forme la plus brute, un voyage à la vitesse de la lumière, de l'éther aux abysses.