Weezer goes baroque

Tout le monde le sait aujourd'hui, le drame de Weezer est celui du groupe ayant connu son pic qualitatif et populaire artistique très vite et très tôt dans son existence avec le Blue Album et Pinkerton au milieu des années 90.
Un peu comme Oasis en son temps, Rivers Cuomo fut prisonnier de ce succès rapide et de l'impossibilité de satisfaire une base de fans attendant chaque nouvelle sortie du groupe avec exigence et impatience.

Weezer essaya de le faire mais échoua avec le très attendu et très long à produire Green Album de 2001. L'album contenait de bonnes idée mais fut un rendez-vous manqué pour le groupe qui fut le début d'une longue période de pérégrinations artistiques plus ou moins réussies.

En effet, Rivers Cuomo le leader mythique à lunettes a mal vécu cet échec et le fait de ne pas être reconnu par ses pairs; d'être enfermé par ses fans dans le son de leur début et dans une impossible évolution du groupe.
Son fort caractère le poussa alors à aller à contre courant de ce qu'on attendait du groupe, égarant Weezer dans des tentatives musicales qui furent autant d'échecs retentissants dans les années 2000/2010.
Le groupe était définitivement rangé dans la catégorie de "groupe du passé" dont les nouvelles sorties n'intéressent plus grand monde et dont on demande seulement de jouer les vieux succès.

En 2016 pourtant, Weezer m'avait à nouveau agréablement surpris avec un retour vers leur son d'origine qu'on pensait devenu impossible avec le White Album laissant penser que le groupe allait revenir au son qui avait fait son succès. Mais que nenni, Pacific Daydream en 2017 fut un nouvel échec critique pour le groupe et une nouvelle tentative d'innover en s'adaptant au son pop contemporain.

Bref, impossible de savoir à quoi s'attendre avec ce nouvel album Ok Human qui sort après une longue période de quarantaine covidique et dans un moment où l'album le plus attendu du groupe devait être l'album de cover hard-rock dont la sortie a été repoussée.

OK Human n'est ni un retour au son originel du groupe, ni une rupture complète. C'est un peu des deux et le résultat est plutôt réussi.
Weezer nous offre un album constant qui revient à des structures et mélodies rappelant un Pinkerton. La nouveauté étant que le groupe a remplacé la guitare omniprésente historiquement dans sa discographie par des instruments à corde frottées et du piano, se rapprochant à ce titre d'un album de pop baroque.
La subtilité des cordes permet au groupe de ne pas se perdre dans des tentatives d'innovation musicale bancale et se recentrer sur des mélodies simples et punchy. Mention spéciale à Red Roses qui m'a forcément fait penser à Elliott Smith et qui est la chanson la plus belle et la plus réussie de l'album.

Les thématiques de l'album font écho à la période de crise sanitaire vécue par Rivers Cuomo (et le monde entier d'ailleurs), rendant le tout intimiste et plus travaillé dans les paroles que ce qu'on avait l'habitude d'entendre chez Weezer.

Il est évident que le groupe ne manquera pas de nous décevoir à nouveau dans le futur; mais il est aussi certain aujourd'hui qu'ils continueront de nous surprendre agréablement, comme avec OK Human.