Dernière destination de notre croisade au cœur de la discographie de Dire Straits. On The Night est le dernier album du groupe (si on exclut Live at BBC sorti en 1995 mais qui fût enregistré en 1978). Il s’agit de l’album live sur la dernière tournée du groupe, tournée promotionnelle de On Every Street (1991). Une immense tournée qui fût donc la toute dernière de Dire Straits, puisque Mark Knopfler quitta la bande en 1995 soit dix-huit ans après sa formation, signant ainsi l’arrêt de mort du groupe sur le champ.
Ce On the Night fût monté à partir des enregistrements à Rotterdam ainsi qu’aux légendaires Arènes de Nîmes. Ce live qui fût d’ailleurs retransmis en direct à la télévision et qui avait cartonné. Il faut dire, après six ans d’absences, Dire Straits débarque pour la dernière fois avec un album de très bonne facture et enchaîne avec des concerts exceptionnels aux setlists à tomber par terre. Un concert où l’on peut entendre Sultans of Swing, Telegraph Road, Brothers in Arms ou encore Romeo and Juliet, le rêve !
Et pourtant, ce n’est pas ce que réserve ce disque puisqu’il ne garde finalement que dix morceaux. Les meilleurs ? Pas vraiment.
C’est un choix assez radical qui pourra en faire bouder certains (dont moi un certain temps), l’absence totale de certains morceaux phares du groupe. Pas de Telegraph Road ou de Sultans of Swing, ces morceaux ont eu leur heure de gloire dans Alchemy. Knopfler préfère laisser la place à des morceaux un peu moins connus qui n’ont pas encore eu l’occasion de briller dans un disque live.
Ça tombe bien, puisque la tournée Brothers in Arms n’avait pas eu droit à un disque live. Ainsi, ce On the Night est un peu à considérer comme un best of en live de Brothers in Arms et On Every Street. En effet, seuls deux morceaux de ce disque ne proviennent pas des deux derniers albums du groupe : Romeo and Juliet (issu de Making Movies) et Private Investigations (de Love Over Gold). Ces deux morceaux sont joués à la perfection et tout comme avec Alchemy, ils ont droit à une revisite vraiment efficace, notamment pour Romeo and Juliet. De son introduction magnifique à son solo de saxophone à tomber par terre, il s’agit sans hésitation de ma version préférée de cette somptueuse ballade (Knopfler a lui-même avoué qu’il s’agissait de son morceau préféré).
Quant au reste, il s’agit donc, comme je le disais, de morceaux issus de Brothers in Arms et de On Every Street. Alors, autant, Brothers in Arms étant une véritable machine à tube, tous les morceaux présents dans ce disque sont connus de tous et sont forcément passés à la radio, Walk of Life vraiment dansant, You Latest Trick et sa mélodie au saxophone que tout le monde connaît. Je m’attarderai plus tard sur les deux derniers morceaux car ils sont un peu la quintessence de ce live et je les garde pour la fin.
Du côté de On Every Street, Calling Elvis est vraiment une bonne entrée en matière et commence le concert en beauté. J’ai cependant plus de mal avec Heavy Fuel qui, même s’il est un bon morceau, fait pâle figure entre le tonique Walk of Life et le renversant Romeo and Juliet. Cependant, la suite On Every Street (la chanson) et You and Your Friend est vraiment spectaculaire puisque les deux morceaux sont sublimés par la performance des musiciens. On Every Street a droit à un solo final plus long, plus percutant. Quant à You and Your Friend, je regrette que Knopfler l’ait si peu joué en live puisqu’il s’agit probablement d’une de ses meilleures performances. Il se dégage une puissance dans ce morceau qui se révèle rare, même avec les doigts si magiques de Knopfler.
Et une fois You and Your Friend fini, on arrive aux deux derniers morceaux du concert, un véritable régal puisqu’il s’agit des deux meilleurs chansons de Brothers in Arms. Money for Nothing pour commencer, qui, même si Knopfler lui a coupé son introduction à la batterie demeure une véritable tuerie, surtout en live. Le riff est toujours aussi unique, marquant et Knopfler rajoute quelques solos par-ci par-là pour sublimer sa chanson.
Mais le meilleur reste tout de même la conclusion de cet album avec Brothers in Arms. Morceau pessimiste au possible mais transcendé par la beauté des solos et des claviers merveilleux. Et bien je pense qu’il s’agit peut-être de la meilleure version de cette chanson. Car Knopfler y insère un instrument précis : le lap steel guitar. Cet instrument était déjà très présent dans l’album On Every Street et se révèle être un des instruments majeurs de ce live puisqu’il a droit à quelques solos. Cependant, c’est toute la structure du solo final de Brothers in Arms qui se voit modifiée, pour notre plus grand plaisir. A la base, le solo final c’est la guitare de Knopfler, puis un solo de clavier, puis de nouveau la guitare de Knopfler qui vient conclure avec tous les instruments derrière. Or, juste après le solo de clavier, le lap steel guitar s’impose et retarde le retour de Knopfler qui non content de nous avoir fait attendre, balance tout ce qu’il a dans une conclusion épique et renversante. Ce final est clairement le meilleur moment de ce live. On fini donc le disque la bouche grand ouverte, complètement ébahi par ce qu’on vient d’écouter.
On the Night est un immense album live. Je le trouve même meilleur qu’Alchemy qui était déjà une tuerie avec la suite Tunnel of Love et Telegraph Road. Mais force est de constater que pour un concert final, Dire Straits a mis la barre extrêmement haut. Knopfler s’est entouré de musiciens exceptionnels même s’ils n’ont plus grand-chose à voir avec le Dire Straits originel. John Illsey (seul membre présent depuis le début avec Knopfler) gère toujours aussi bien sa basse, Guy Fletcher et Alan Clarke qui sont là aussi depuis longtemps sont d’excellents claviéristes. Quant aux musiciens additionnels comme Chris White qui s’occupe des instruments à vent (flûte de Brothers in Arms, saxophone de You Latest Trick), et évidemment Paul Franklin au lap steel guitar, ils sont monstrueux.
En sommes, on pourra regretter l’absence d’un second disque avec les classiques du groupe manquant dans ce live, mais on ne peut cependant qu’applaudir le contenu d’On the Night. A l’exception de Heavy Fuel, aucun morceau n’a volé sa place dans cet album. Dire Straits s’en va la tête haute après avoir fait rêver des millions de fans. Franchement, moi je dis chapeau. S’absenter pendant six ans, balancer un album vraiment sympa et conclure le tout avec une tournée monumentale, c’est digne des plus grands groupes de rock de tous les temps.
Après ça, Knopfler se détacha définitivement de Dire Straits et entama une carrière solo plus discrète. Alors certes, il a affiché complet lorsque je suis allé le voir en 2019 à l’Accord Hotel Arena pour sa tournée d’adieu, donc la discrétion, c’est pas trop ça, mais vous me comprenez. Sans Dire Straits, Knopfler a gagné en liberté et s’est dirigé vers un style plus calme que beaucoup bouderont, mais que j’apprécie sans trouver ça exceptionnel. Si vous pleurez encore la fin de Dire Straits, vous pouvez aussi vous rabattre sur John Illsey qui continue de faire des live, certes plus discrets que son pote Mark mais qui demeurent assez sympa à écouter. Et si vous êtes toujours en manque de Dire Straits, que vous dire, réécoutez tout ! Finalement, avec seulement six albums, Dire Straits s’est imposé comme un des groupes les plus importants de la sphère rock et chacun de leurs disques vaut l’écoute. Moi, une chose est sûre, je ne me lasserai jamais du doigté inimitable de Mr Knopfler, à jamais l’une de mes plus grandes idoles.