Open Season
7.1
Open Season

Album de British Sea Power (2005)

Le monde est drôlement fait. Stigmatiser l'étrangeté de British Sea Power au sein d'une scène musicale dominée par le rock urbain paraît logique. Et pourtant, cherchez bien, rappelez-vous ces voyages de classe chez un apiculteur, ces exposés sur le faucon royal, ces fiches WWF avidement collectionnées jusqu'à vos treize ans, date à laquelle vous avez découvert le goût du vice pour enterrer ces passe-temps désormais jugés honteux. C'est à cet imaginaire-là, formé d'aventures dignes de Jules Verne, d'expéditions épiques sur des mers glacées, de traversées nocturnes dans une forêt terrifiante, que fait appel BSP chez chacun de nous avec grâce et délectation. En sillonnant depuis trois ans les recoins les plus inaccessibles de leur pays, ces lost boys célèbrent une nature dont ils ne cherchent pas à percer mais transmettre le mystère. À l'instar des Libertines, c'est tout un monde, avec ses codes et son langage d'enfants gauches jouant la comédie de l'érudition, qu'ils se sont construits autour de cette quête d'une Albion oubliée. Cet univers fait irruption jusque sur scène, terrain de jeux idéal pour déguisements feuillus et simulacres de batailles. Mais il ne faut pas seulement trouver une certaine poésie à l'évocation des champs du Wilshire pour se laisser porter par les chansons rocailleuses de cet album. Comme un écho au manque suscité chez ces natifs des Grands Lacs anglais par des tournées incessantes, cette alternance entre évocations d'expériences urbaines et contemplations bucoliques offre une dimension plus profonde à ce disque qu'à son prédécesseur, le mésestimé The Decline Of.... Exit les soubresauts punk des débuts, qu'on pouvait interpréter comme une envie d'ailleurs, voici onze mélopées tour à tour enlevées ou atmosphériques, portées par la voix terreuse, enrhumée et fantomatique de Yan. Car ces cinq gaillards sont avant tout des faiseurs pop originaux, des génies mélodiques qui placent émotion et efficacité sur un même plan. Toujours hantés par les spectres d'Echo & The Bunnymen ou des Psychedelic Furs, Please Stand Up, It Ended On An Oily Stage ou How Will I Ever Find My Way Home confirment le talent intemporel de ces insulaires sages, élégants et rêveurs. Simplement libres. (Magic)


Deux ans après The Decline Of British Sea Power le groupe de Brighton s’est déjà assagi. Du moins ils ont choisi une voie plus apaisée. La tension du premier album est laissée pour le moment de côté pour faire place à une pop hivernale, légèrement noisy mais finement ciselée. D’ailleurs on aurait jamais cru qu’ils arrivent un jour à tirer leur épingle du jeu dans un registre tel que celui-ci. Pourtant des morceaux comme Blackout ou A Wooden Horse sur le précédent album laissaient entrevoir une telle porte de sortie pour le groupe britannique. Open Season se prend comme une sorte de manifeste pop, un hommage à tous ces groupes maudits des années 80, tous les indie-popeux que seuls les anglo-saxons savaient produirent à la pelle. En ce sens Open Season est un disque assez classique, très typé même. Cependant les British Sea Power parviennent à rendre leurs compositions attrayantes. Bien sur tout cela n’est qu’un simple exercice de style mais la qualité est au rendez-vous. Ce n’est pas du vulgaire copié/collé comme on a trop l’habitude d’entendre. 

Le groupe remplit donc un cahier des charges pas forcément facile à respecter. Il n’y avait rien de plus aisé que de tomber dans le cliché et les stéréotypes. British Sea Power évite le piège avec intelligence et se trouve là où personne ne les attendait vraiment. En peu de temps les britanniques passent du statut de groupe d’excités à celui appartenant à l’intelligentsia pop. Et même si la tendance actuelle est au retour en arrière, ce disque aux accents nostalgiques est la preuve qu’on peut évoluer de manière brillante sans passer pour un misérable racoleur et opportuniste de bas étage. Open Season fait du bien car il montre toutes les valeurs de l’indie-pop dont les représentants de la perfide Albion peuvent être si fiers. Ce disque est donc un cas d’école qui passe l’examen avec mention. (liablility)

bisca
7
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le 19 mars 2022

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