1998, 18 titres, 68 minutes. L'Opéra du Grand 8 !
Dans le paysage rap français, on aime à citer les IAM, Suprême NTM, MC Solaar comme les parangons d'une culture hip-hop riche. Mais Oxmo Puccino a son mot à dire sur cet échiquier prolifique. Les uns viennent de Marseille, les seconds de la capitale, les deux derniers sont des enfants d'immigrés africains venus s'établir dans la métropole dans les années 70. Et tous quatre nous ont abreuvé d'albums qui resteront dans les annales de la discipline comme des milestones indéfectibles.
Et Opéra Puccino est de ceux-là. Sans l'ombre d'un doute. Il est même selon moi plus qu'une pierre angulaire du rap français ; il outrepasse tout ce qui a pu se faire avant et après. Car Oxmo a à la fois une voix particulière mais une rime dissonante comme le faisait Renaud au début des années 80. Parfois il joue avec les mots en les faisant rimer, et à d'autres moments ils fournit une texture syntaxique beaucoup plus aléatoire (volontaire). Ainsi, l'écouter débiter ses textes, c'est faire face à de l'inattendu dans le domaine. Car hormis MC Solaar qui fit don de ses talents dès son premier album en 1991, je ne vois pas un autre artiste dans le rap français qui ait aussi bien manié la langue, les mots et les thèmes abordés.
Cet album est empli de tristesse, de gravité de ton, de prise(s) de conscience. Je dirais même qu'elles sont l'estampille de l'opus. Un peu plus d'une heure pendant lesquelles l'auditeur est face à des vérités, des biographies, des mises en exergue constantes. En somme on ne rigole pas, on ne blague pas. C'est du rap conscient ? oui complètement, ainsi que des mélodies et des textes qui frisent le sublime ("L'enfant seul", "Qui peut le nier !")
Pis, ce sont des paroles qui vont au-delà du rap, au-delà des frontières d'un genre, d'un style musical. Textes déclamés pour la plupart, parfois à la limite de l'accapella, Oxmo Puccino montre dès son premier essai toute l'étendue de ses qualités d'auteur et interprète. (il le prouvera encore avec The JazzBastards en 2006) Et même si "Mensongeur" ne gravite pas dans le même registre que le reste de la galette, n'en demeure pas moins qu'il est un titre qui donne la bougeotte, me rappelant à ma bonne mémoire des dancefloors quand j'étais au lycée en 1998.
Au sortir de Opéra Puccino, votre cerveau et vos oreilles se rappelleront des mélodies et paroles tissées au fil de soie, au débit à la fois lissé et accrocheur, tendre et sauvage tel le chat qui se couche pour mieux sauter à la gorge du chétif moineau.
Vous, moi, tout le monde est le moineau.
J'ai pris ma dose. Je peux aller me coucher. Apaisé et conscient.
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