Over
7.8
Over

Album de Peter Hammill (1977)

Le cri d'une peine d'amour dans la nuit...

“Tu fermes la lumière et t'assois seul, en essayant de prétendre que c'est juste de l'angoisse....tu as vomi toute ta nourriture au banquet....garde un œil sur ce que tu possèdes...” Ainsi commence le plus sanguinaire des albums de rupture. De son cœur de mouton, le loup hurle à sa blessure dans sa nuit mais très vite il se transforme en humain, en tueur plein de remords.... Et la guitare électrique s'élève, le cri rock, dans la douleur, comme si cela devait être un plaisir...“regardant vaguement la lune pour des jours et nuits, quand tu auras crié ton dernier hurlement et détruit tout ce que tu aimes...tu seras laissé homme solitaire” ! La blessure est vive et Hammill se cache derrière son rock déchaîné de loup hurlant pour panser ses plaies et ouvrir l'album avec ce titre décapitant.


La chanson qui enchaîne marque aussi une rupture mais ici avec les enfants qui quittent la maison. Autumn est un titre possible seulement pour quelqu'un qui n'a jamais eu d'enfants comme le confia Hammill en entrevue. La chanson reste sublime avec un violon ensorcelant. Le grand frisson quand Hammill chante: “Maintenant il n'y a plus que ma femme et moi” et que le violon déchire l'espace. Graham Smith touche ici au cosmos et nous montre en quoi il deviendra irremplaçable. D'une précision chirurgicale il insuffle au drame de l'abandon, une texture et un cri strident en parfaite cohérence avec ce texte fragile. Hammill en est emporté !


Le temps guérit (Time Heals) et Hammill revient à sa peine avec ce titre. Il n'écrit “des chansons d'amour que quand tout est envolé et mort” ici la douleur devient hypnotique et atteint une puissance qui s'insinue comme un poison. Evans aux drums nous martèle la palpitation cardiaque et la basse de Potter ronronne la lourdeur de ladite douleur. Tout ce que peux faire Hammill est de nous chanter cette blessure hypnotisante...si hypnotisante qu'il doit en sortir par un riff plus saccadé où on l'entend même trafiquer des sifflements comme si de rien n'était...mais le break ne dure pas ...Hammill se pose la question : “qui aimons nous le plus? , je suppose que c'est soi-même”....Le cauchemar recommence, les questions sans réponses, le départ qui tue, l'ami qui trahit et part avec la bien-aimée...Mais le temps guérit ....et la voix s'élève pour chanter la peur du temps...les claviers se superposent à l'infini et Evans continue son martèlement , sans pitié...(on se demande , un instant, pourquoi Hammill nous a privé de la puissance de Jaxon pour ce morceau) Et le morceau revient au sublime point de départ...la mélodie vous hantera longtemps, elle est égale au désespoir et à tout cet amour indicible qu'il n'arriva jamais à identifier...


Alice c'est le nom de l'amour enfui avec l'autre: le meilleur ami...Et Alice est une chanson en solitaire à la guitare acoustique. Dès les premières notes on est happé et par la guitare et par la plainte vocale. Figé par la puissance, dans l'économie de moyens, nous recevons le texte, chanté si clairement, si précis, comme un coup de massue. Ce que Hammill confie nous l'avons tous vécu, sans pouvoir le verbaliser de façon aussi magistrale ! Et la guitare s'arrache les tripes! Pas sûr que nous passerons à travers la douleur ! Aucun lâcher prise possible! Point extrême de chaque peine... Alice nous envoie au pays des merveilles dans la douleur !


En restant de ce côté-ci du miroir, Hammill tente de passer au travers du miroir d'Alice. This Side of the Looking Glass est unique dans la carrière de Hammill car un mini orchestre symphonique le supporte. Pour traduire ses vertiges, il l'utilise de façon magistrale grâce au génial arrangeur : Michael Brand. Jamais orchestre symphonique ne fut mieux utilisé par un artiste solo! L'intensité des cordes fait écho, de façon parfaite, au chant douloureux , chant qui se transforme aussi en une légèreté angélique. Un joyau de la couronne hammillienne.


Betrayed est une chanson qui atteint un point extrême. Un point insoutenable. J'ai parlé de cette chanson avec Peter et surtout de sa finale où il dit: “Qu'il ne croit à rien dans ce monde” et comme il me l'a dit: “ Même à ce point extrême insoutenable , il faut au moins que je crois dans la chanson puisque je l'écris” Betrayed est une chanson qui est vraiment unique au monde par sa texture musicale, son texte saignant, son dépit amical. Le cri final existentialiste est à la limite du soutenable. Et le violon de Graham , seul accompagnateur, nous ouvre les veines! Oui no pretty words, no hidding place in the world...I don't believe in anything anywhere in the world.... TAKING AWAY....


À la première écoute de Over, Betrayed ne m'a pas laissé indemne. En fait c'est un calvaire que tout être humain , un jour ou l'autre, peut atteindre. On sort de l'écoute comme un Christ en croix...


La résurrection peut-elle venir du Yoga ?...Hammill s'y essaie, en souvenir d'Alice qui en faisait tous les mardi...même s'il aurait préféré faire du tantra... pour se “décadenasser” il aurait dû en faire...mais les regrets ne mènent qu'au présent et à la perte, à se geler toute la journée... D'ailleurs le morceau est habité par un univers très stone.... Et le mardi , après son yoga, elle le quitta! Sublime !


La véritable résurrection ne peut venir que de soi...Après s'être complètement perdu dans la douleur Hammill se retrouve dans Lost and Found “et même le loup peut apprendre, le mouton peut se transformer et la grenouille devient enfin un prince. Plus d'insultes imaginaires, plus de prix gonflés...On se reverra au mariage et je tiendrai la porte de l'église” Hammill est enfin habité par la
paix et “La Rousse” (la rossa) cette femme vampire peut bien étendre ses bras dans la lumière du matin les stigma ne se voient pas... Plus de regrets, plus d'encore, plus de souhaits pour le futur, plus de déni sur le passé...Hammill le chante: “ il est enfin libre et nous aussi...il est enfin amoureux...allez bébé je suis perdu et retrouvé, mets ta robe rouge ...tout va être correct”


On tape du pied, on a passé à travers. On est impatient de connaître nous aussi un nouvel amour !


Tout cela est si phénoménal, si sanguin , si à vif....comme un vivant dont on aurait retiré la peau dans la salle de torture de l'amour...qu'on en ressort totalement subjugué et marqué au fer rouge à jamais!
Oui Over est le plus grand cri d'une peine d'amour qu'il m'ait été donné d'entendre! À pleurer !

RockNadir
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le 17 mai 2021

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