J'ai eu la chance de découvrir Palaces à l'occasion d'une session Pitchblack Playback : une salle de cinéma plongée dans le noir, l'album diffusé d'une traite sur un système sonore de qualité. D'excellentes conditions pour découvrir le troisième long opus de Flume, six ans après l'inégal Skin.
Ce qui frappe d'abord avec Palaces, c'est l'habileté avec laquelle Flume parvient à proposer un album mature et complet, véritable synthèse entre ses précédents albums et son exigeante mixtape Hi This Is Flume. La recherche sonore y est poussée à son paroxysme, et même les chansons les plus accessibles à la première écoute sont en réalité plus complexes qu'il n'y paraît. On pense en particulier à Say it ou Hollow, deux singles aux mélodies entraînantes, taillés pour le grand public, et pourtant très saccadés. Sur d'autres titres chantés comme Escape ou I can't tell, les voix de Kucka et LAUREL sont surtout prétextes à des drops de l'hyperespace, fruits d'une collaboration réussie avec le jeune Quiet Bison. Enfin, mention spéciale pour Sirens, un titre intense par son étonnante lenteur, dans lequel Flume marie la voix angélique de Caroline Polachek à un complexe sonore ingénieux, aux nombreuses fioritures métalliques.
Les titres instrumentaux apparaissent comme des expérimentations assumées, dont certaines s'avèrent franchement réussies. DHLC et Get U se révèlent très mélodieux malgré une structure complètement hachée, et Jasper's Song expose un thème teinté de nostalgie sur un piano désaccordé au scratch, une première chez Flume. Certaines tentatives semblent cependant moins convaincantes, comme les modulations brutales de Love light, ou le rythme plus répétitif de Go, qui donnent l'impression d'idées moins abouties au regard du reste de l'album.
Au fond, si les accords semblent parfois très simples (comme sur le titre Palaces, qui clôt l'album sur une belle montée en puissance), cela n'a pas d'importance, car c'est toujours le timbre si particulier de Flume, soutenu par une rythmique souvent bancale mais jamais déstructurée, qui fait résonner les mélodies avec force. Et il faut reconnaître que l'audace du DJ australien n'a jamais rien de trop ambitieux : de ce qui ressemble à des cris d'animaux jusqu'aux amples nappes de synthétiseurs, tout est maîtrisé et s'assemble à merveille. C'est véritablement ce qui fait la prouesse de Palaces : les sons se superposent jusqu'à saturation, mais c'est de ce trop-plein, de cette dislocation de l'espace sonore, que naît la musique dans ce qu'elle a de plus organique.
Un excellent album, à écouter, à réécouter, à explorer dans les moindres détails.