… parce que peut-être que ce salopard ne va pas s’ouvrir. » (Phil May)
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1970, année charnière à plus d’un titre : les sixties s’achèvent dans le désarroi et la confusion, les questions auxquelles les hippies pensaient avoir répondu sont toujours aussi prégnantes. Pour les Pretty Things plus que pour les autres, la fin du rêve a quelque chose d’amer : le terrible échec de S.F. Sorrow, passé complètement inaperçu dans l'ombre du titanesque Tommy des Who, reste dur à avaler, au point que Dick Taylor préfère quitter le navire (il ira produire le premier Hawkwind peu après). Qu’à cela ne tienne : le tandem Phil May (chant) / Wally Waller (basse), entouré des fidèles Skip Alan (batterie) et Jon Povey (claviers) et renforcé de l’ex-Edgar Broughton Band Vic Unitt (guitare), remet le couvert.
La confusion des temps inspire à Phil May un thème : la vie à la ville et à la campagne, avantages et inconvénients. Ce parfait sujet de dissertation pour élève de lycée devient, une fois passé entre les mains de May et Waller, prétexte à toute une série de saynètes qui témoignent du mûrissement de l’écriture du duo. Toute la face A de l’album raconte ainsi l’histoire d’une jeune fille « F-R-double-E » qui erre dans les clairières de béton où pousse l’herbe de métal et choisit de s’enfuir à la campagne, abandonnant sous la pluie son bien-aimé éploré qui n’aura qu’une lettre pour se consoler... Flèches de pierre et vallées de béton, cirques de minuit et clowns armés de faucilles forment un tableau bigarré et angoissant.
Musicalement, les Pretty Things sont affûtés comme jamais, offrant tour à tour une pop beatlesienne des plus goûteuses (She Was Tall, She Was High) et un rock dur et gras qui louche vers le tout jeune hard rock (Sickle Clowns). Wally Waller s’affirme comme un second chanteur de qualité, avec sa voix rauque qui contraste avec celle de May, tandis que les harmonies vocales du groupe atteignent un degré que beaucoup pourraient leur envier, alors comme aujourd'hui, que ce soit le quatuor de Grass (avec la participation du producteur Norman Smith) ou bien l’écrasante coda éponyme, où la voix de Jon Povey est doublée huit fois pour un effet des plus angéliques.
En fin de compte, bien que Phil May considère le rock comme un produit urbain, l’opposition se résout au profit de la campagne, qui voit rouiller les cités de fer et fondre les tours de glace. Mais à quoi bon (What’s the Use), demandent les Things avec une cruelle clairvoyance ? Malgré des critiques dithyrambiques, Parachute passe tout aussi inaperçu que son prédécesseur, et la frustration accumulée au fil des échecs finit par faire éclater le groupe.