Chet Baker, David Friedman, Buster Williams, Joe Chambers – Peace (1982)
Un album qui fait partie de la deuxième vie de Chet Baker, celle de la résurrection, un peu moins cassé, un peu réparé, mais toujours de l’air qui s’échappe, par le pavillon de sa trompette, oui, mais aussi par les trous qui lui percent les bras, se piquer pour juste avancer, ça se terminera six années plus tard, dans la rue, pas loin de la porte de son hôtel, à Amsterdam.
Dieu qu’il est beau cet album, de ceux qu’on aime, il a sans doute une histoire, mais je ne la connais pas, pourtant elle est certainement liée à cette rencontre, entre ces quatre-là, comme si le destin avait voulu que cela arrive, qu’ils enregistrent ensemble ce vingt-trois février quatre-vingt-deux, au Vanguard Studio de new York.
Chet n’est pas très difficile en termes d’accompagnateurs, sa vie un peu errante l’oblige à ne pas se fixer, à accepter les musiciens qu’on lui présente. Mais il est exigeant, l’oreille détecte immédiatement l’insuffisance, cela se sait, alors on s’arrange pour ne pas le décevoir.
Et souvent c’est miraculeux, comme ici, le temps d’un album en entier. A la batterie, Joe Chambers, léger, précis, délicat, une leçon qu’il donne, à la basse, Buster Williams, chaud, rond, économe, juste et sensuel, le partenaire parfait pour Chet qui joue, c’est sûr, les yeux fermés.
David Friedman, le coup de génie de cet enregistrement, il joue des marimbas et du vibraphone et surtout apporte avec lui des compositions qui semblent taillées pas seulement pour lui, mais pour Chet également, qui s’en approprie avec immédiateté et gourmandise. L’absence de piano, il connaît Chet, il a joué il y a peu aux côtés du vibraphoniste Wolfgang Lackerschmid et ça s’est vraiment bien passé, avec lui tout va, la guitare ou même en trio…
Au niveau du répertoire on remarque la compo de David, « Lament For Thelonious » qui vient de casser sa pipe il y a une semaine, un bel hommage, pas si grave malgré le deuil, légèrement sautillant, avec un groove qui vibre en dedans. Il y a également un standard « The Song is You », très beau.
D’autres pépites aussi, « Peace », « Shadows » et « For Now », Chet traverse sa meilleure période, il est aimé, choyé et respecté, il est sensible à toutes ces attentions et, en retour, donne le meilleur de lui-même et ça s’entend, si on y dresse bien l’oreille…