Du punk féministe et audacieux

Sorti en 1981, l'album Penis Envy du groupe punk anarchiste Crass représente une œuvre incontournable dans l'histoire de la musique punk, marquant à la fois l'apogée et le début de la fin du groupe. Cet album audacieux et révolutionnaire a suscité des controverses, notamment à cause des accusations d'obscénité qui ont visé le groupe (la pochette parle d'elle-même), mais il a également laissé un héritage musical puissant et inspirant qui résonne encore aujourd'hui.

Crass, connu pour sa critique acerbe des structures de pouvoir, a atteint un sommet artistique avec Penis Envy, un album qui remet en question le patriarcat et les normes sociétales de manière provocante et intelligente. Le titre de l'album, qui fait référence à la théorie de Sigmund Freud, est un concept utilisé ici pour déconstruire les structures patriarcales oppressives. Dès le morceau d'ouverture, Bata Motel, Crass adopte une approche sans compromis pour dénoncer l'objectification des femmes et la manière dont les fantasmes masculins peuvent être à la fois grossiers et destructeurs. La chanson présente le récit à la première personne d'une femme soumise et hyper-sexualisée, mettant en lumière les aspects les plus sombres de la société patriarcale et incitant ceux qui perpétuent ce traitement à ressentir de la culpabilité.

L'album ne se contente pas de pointer du doigt des individus, mais s'attaque à des systèmes entiers d'exploitation, comme dans Systematic Death, une critique acerbe du capitalisme et du patriarcat. Les paroles évitent de désigner des coupables spécifiques, préférant dénoncer les systèmes oppressifs dans leur ensemble. Ce choix renforce le message anarchiste du groupe, qui prône une remise en question radicale des structures établies.

Musicalement, Penis Envy se distingue par une cohérence et une sophistication qui le rendent unique dans la discographie de Crass. Eve Libertine, la principale chanteuse de l'album, apporte une profondeur et une polyvalence vocales qui enrichissent chaque morceau. Sa voix, associée à celle de Joy de Vivre sur le morceau Health Surface, offre une dynamique nouvelle par rapport aux albums précédents de Crass. Les lignes de basse lourdes de Pete Wright et les guitares incisives de Phil Free et B.A. Nana créent une ambiance sonore saisissante, tandis que la batterie de Penny Rimbaud oscille entre marches militaires, improvisations jazz et rythmes punk effrénés.

Le choix de l'anarchie musicale, refusant de privilégier un musicien ou une partie au détriment des autres, renforce l'identité politique du groupe. Chaque membre apporte sa contribution, créant une œuvre collective qui défie les conventions musicales traditionnelles. Pourtant, contrairement aux autres albums de Crass, Penis Envy se caractérise par une structure plus délibérée et un sens de la composition plus affirmé, qui témoignent de la maturité artistique du groupe.

En somme, Penis Envy est un chef-d'œuvre du punk féministe qui continue de provoquer et d'inspirer. En défiant les normes établies et en abordant des thèmes sociaux complexes avec une intelligence rare, Crass a créé un album qui reste pertinent et puissant des décennies après sa sortie. Pour ceux qui cherchent à comprendre l'essence du punk anarchiste, Penis Envy est une œuvre essentielle qui montre comment la musique peut être utilisée comme un outil de changement social.