Le 30 mars 2007 Stanley Beckford s’éteignait dans une indifférence quasi générale et presque coupable car, non seulement son œuvre a eu une influence essentielle sur la naissance du reggae mais elle d’une gaieté, d’une accessibilité et d’une vitalité qui auraient dû valoir à ce chanteur une reconnaissance mondiale (et hexagonale) beaucoup plus précoce et beaucoup plus vaste. Cet homme si rempli de mélancolie et d’humour triste signe avec Plays Mento son avant-dernier album, celui qui fera que son statut de superstar s’étendra enfin un peu en dehors des frontières jamaïcaines et permettra qu’enfin l’on sache que le reggae s’est inspiré d’une musique traditionnelle jamaïcaine, le mento.
Il aurait été si facile que plus de mélomanes tombent amoureux du mento, cet ancêtre donc traditionnel du reggae. Pour se faire, il suffit de rentrer la voiture dans la garage à la place de sa chérie (manœuvre difficile oblige…) quand elle rentre du travail, on s’assoit à sa place derrière le volant et comme toujours elle est à l’écoute de France Inter. Pas besoin de tendre bien longtemps l’oreille, les notes irrésistibles de Rich Man, troisième morceau de l’album, résonnent dans le poste et prennent les commandes, faisant tapoter les doigts en rythme sur le volant, impossible de ne pas attendre la fin du morceau et de connaître le nom de se formidable chanteur car, dix minutes après, carte fnac en main, l’album est commandé. Tout l’album est résumé dans cette extraordinaire chanson, la voix unique (ce n’est pas exagéré) de Stanley Beckford, gorgée de soleil et de joie de vivre. On perçoit aisément les racines du reggae dans le mento, même base rythmique, même thèmes abordés et même identité caribéenne, au point de retrouver dans la liste des morceaux popularisés par le reggae tels que Three Little Bords ou encore One Love. L’interprétation qu’en fait Stanley Beckford n’a d’ailleurs rien a envier à celle de Bob Marley, si ce n’est qu’ici le rythme est plus enlevé et plus sautillant.
Plays Mento est un album ensoleillé et bleu azur, c’est le sable blanc des plages des Caraïbes dans lequel on marche pieds nus, l’insouciance comme mode de vie. Plays Mento c’est la douceur acidulée d’une pina colada dégustée au gré du bercement d’un hamac, à l’écoute des alizés qui apporteront la prochaine averse. Plays Mento est le meilleur album pour réconcilier les amateurs de reggae et les autres. Il possède à la fois ces racines et ces thèmes universalistes d’un Bob Marley et ce tempo dansant et vivant de la voix de Stanley Beckford, chanteur qui aura eu de son vivant la reconnaissance des siens et qui mort, mérite infiniment une reconnaissance d’estime qui ne se limite pas à une écoute prétentieuse et pédante. Plays Mento coûte beaucoup moins cher qu’un billet pour les Caraïbes et apporte beaucoup plus de dépaysement que la brochure d’un voyagiste.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.