« it’s not the end of the world, oh, wait »

En ces temps troubles, difficile de trouver de quoi faire oublier ce quotidien bien éprouvant pour le moral des troupes. Il fallait donc au moins un bon gros EP du sacro-saint groupe Bring Me The Horizon pour sauver l’humanité, ou tout du moins pour rendre ces futurs jours confinés moins pénibles pour tous. C’est chose faite avec ce Post Human : Survival Horror, premier opus d’une quadrilogie annoncée dont le présent effort a été quasi-exclusivement composé par les membres du groupe à distance durant le confinement du printemps (hier donc, lorsqu’on se replace sur l’échelle de cette année 2020, décidément si particulière).


Après un album, certes ambitieux, mais clairement en demi-teinte et très décrié par leur fanbase composée des plus fidèles, BMTH semble être revenu à ses premiers amours, à savoir un son beaucoup plus massif, agressif et énervé, à l’image de leur chef d’œuvre inégalé à ce jour, le célèbre Sempiternal. Toutefois, leurs sensibilités musicales ont bien évolué depuis, se tournant vers des sons beaucoup plus électroniques et saturés, à l’image du travail réalisé par le producteur Mick Gordon qui les a accompagnés durant la gestation de ce projet, et qui se trouve être à l’origine de la bande-son du reboot du jeu DOOM. Le résultat escompté est un metal agrémenté d’une approche beaucoup plus « futuriste » et robotique, qu’on pourrait désormais qualifier de cyber-metal selon les dires du leader du groupe, Oli Sykes (et je ne serais pas surpris d’apprendre que ce sous-genre existe déjà vraiment !).


Dès la première chanson, le ton est donné : avec Dear Diary, les boys de Sheffield ne sont plus là pour faire dans la dentelle mais plutôt pour envoyer le charbon comme jamais. On oublie amo et ses sons poppy à souhait, ici on vient plutôt faire honneur aux bons vieux breakdowns à fond du temps, accompagnés de quelques envolées gutturales et autres screamo, bref tout y passe. Au-delà d’un fan service assez évident, on peut aussi y déceler un message symbolique à peine caché en filigrane : « même si notre son a évolué depuis nos débuts, on est toujours capables de répondre présents quand c'est nécessaire ! ».


Le reste de l’EP ne déroge pas à ce manifeste autoproclamé, d’abord avec Parasite Eve et son intro aux vibes orientales (alors que c'est un sample d'un chant traditionnel bulgare, true story) ainsi que ses breakdowns instrumentaux violents disséminés tout le long de la piste, puis Teardrops qui se révèle être un succédané impeccable et fort agréable des premières heures de Linkin Park (oui on dirait clairement une chanson leakée de Hybrid Theory et les membres du groupe n'ont jamais caché leur admiration pour feu Chester et sa clique). Obey, premier feat de l’album avec le jeune « rappeur » Yungblud, est un banger ultra efficace bien que très polissé, idéal pour toucher une nouvelle fanbase avide de sensations fortes et de riffs de guitares acérés pour le mainstream des radios. Les paroles, fortement teintées par les évènements actuels et le chaos mondial qui règne en maître font l’effet d’une bouffée d’air salvatrice.


Vient ensuite, et surtout, Kingslayer qui était peut-être la chanson la plus attendue de tout l’album, car le feat avec Babymetal, groupe de J-pop (enfin J-metal par pur néologisme) pouvait être aussi fantastique que périlleux (pour ne pas dire casse-gueule). Intronisé par un interlude musical qui rappelle les expérimentales techno-trance de leur jeune passé (Itch For The Cure), le titre se révèle être une bombe, très touffue lors de sa première écoute à cause d'une profusion d'effets électroniques et des plages sonores qui frôlent l’overdose. Une fois le son décanté, on est peut-être face à la chanson la plus intéressante du disque en termes de richesse musicale, et l’alliance d’Oli avec la jeune chanteuse japonaise est assez intéressante, voire rafraîchissante. La chanson 1x1 n’est pas dispensable même si elle pêche par un manque latent d’ambition, mais se retrouve être un filler de qualité, aux sonorités urbaines très mainstream, qui n’a pas à rougir de sa présence dans cet opus même si elle est éclipsée du fait de sa position dans le disque par Ludens.


Ah, Ludens. Ce titre phare, sorti depuis novembre 2019 à l’occasion du jeu vidéo Death Stranding, peut être considéré comme l’épitome de Bring Me The Horizon, la quintessence de leur style. Avec cette chanson, tout l’univers du groupe est brassé et rebrassé, de leurs débuts metalcore/grindcore, à leur virage brutal vers l’alternatif (parfaitement exécuté avec le magnifique That’s The Spirit, n’en déplaise à ses détracteurs) et leurs expérimentations pop (amo en tête), pour accoucher d’une œuvre qui sonne comme un véritable chant du cygne. Ludens est une chanson puissante, qui ne cesse de grandir au fur et à mesure des écoutes, et qui parvient même à faire oublier la petite touche émotion que BMTH a voulu instiller avec cette dernière chanson au titre aussi long que le confinement qui s’annonce : One Day The Only Butterflies Left Will Be In Your Chest As You March Towards Your Death. On cherche encore la cohérence de ce titre avec le reste de l’album tant le chanson est en décalage avec le mood ambiant, même si à coup sûr l’occasion s’est présentée de faire un feat avec Amy Lee d’Evanescence et que toute homogénéité a été sacrifiée sur l’autel du fan service. Qui peut décemment leur jeter la pierre pour ce pêché de gourmandise ?


Après plusieurs écoutes, on ressort de cet album avec un sentiment de satisfaction qu'on n'espérait plus venant des contrées anglaises de BMTH, et une seule pensée nous traverse l'esprit : si chaque confinement peut nous offrir de telles pépites musicales, on devrait se prendre des pandémies mondiales plus souvent !


(non je déconne, abuse pas Emmanuel j’en peux plus là, on est en guerre ok mais ça va plus là, j’vais passer mon anniversaire tout seul dans le noir à cause de toutes ces conneries là…). Allez pour la peine je vais me reécouter cette douce ballade qu'est Dear Diary pour rendre mon quotidien actuel moins morose.

Thibaulte
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le 30 oct. 2020

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