D'une virginité sonore perdue.
Je dois beaucoup à ce groupe. Personnellement. C’est grâce à sa présence dans la B.O. du film The Limits of Control de Jim Jarmusch que j’ai compris la puissance du drone et du psyché. Et après avoir écouté les 45 minutes de Feedbacker, j’ai été aux anges, un de mes premiers émois expérimentalo-psychédélo-dronants. On peut dire que ce groupe a volé ma virginité, en quelque sorte.
Il se trouve qu’en 2011, mon excitation de les voir sortir trois albums a été vite déçue par un album déroutant de J-Pop (New Album), un album plat reprenant les mêmes codes que celui du même nom en 2002, mais en beaucoup moins bien (Heavy Rocks 2011), et même l’étrangeté sensuelle d’Attention Please et son aspect éthéré m’ont quand même laissé perplexe quant à l’avenir du trio/quatuor japonais. Ils m’ont bien refroidi. Comme ton premier coup qui se barre alors que t’as même pas eu le temps de la remercier pour t’avoir laissé goûter aux plaisirs de la chair et du son.
Depuis, j’ai multiplié les conquêtes psychoactives (Sunn O))), Earth, Acid Mothers Temple, …) en essayant d’oublier cette douche froide qui me restait quand même sur l’esprit, et n’y revenait que pour me remémorer les lentes caresses de Flood, la joie intempestive et abusive du Heavy Rocks de 2002 ou la bestialité malsaine d’Amplifier Worship. Et je pensais les avoir oubliés. Jusqu’à ce jour fatal de y a une semaine ou qu’on m’a dit « Eh, Jean, Boris ont sorti un album y a un mois et il a l’air plus mieux, dis donc ». Mon cœur n’a fait qu’un tour sur lui même et mes veines se sont vidées dans mon être. Serait-ce le retour de mon amour sonique bien aimé, de mon émoi sensoriel qui reprendrait ses droits ?
Pas exactement, mais l’écoute de Präparat rassure quant à la direction (ou plutot, la non-direction) que Boris prennent avec leur musique. Ils reviennent à un son moins pop, plus métal, drone et expérimental. Mais ils n’abandonnent pas pour autant leur virage plus mélodique et subtil qui s’est opéré dans Attention Please, mieux, ils l’incorporent pour former un nuage de shoegaze vaporeux sur leur musique. Une sorte de café viennois musical, de la crème douce et légère au dessus, et un café noir et fort au fond, avec un coulis poppisant comme le démontrent le magnifique Elegy.
On oscille donc dans Präparat entre lourdeur doom/sludge et shoegaze. Method of Error est en soi l’anti-Elegy, on le croirait tiré du Phase 3 de Earth, mieux produit, ou d’un obscur Teeth of Lions Rule The Divine, spin-off de leurs comparses de Sunn O))). Les morceaux dans cet album s’enchaînent avec leurs ambiances assez hétéroclites, et les morceaux d’ambient suivent les morceaux plus métal. Bizarrement, cet album mélange les genres sans être (si) dispersé, et ce grâce à une production au poil, à la fois garage et profonde.
Bref, pour faire court, en résumé, Präparat est un album tout à fait puissant et qui rassurera les fans hardcore de Boris. Quant à moi, j’ai été presque ému de revoir mon premier amour sonore, qui a depuis changé un peu, mais qui a toujours cette fraîcheur qui m’a séduite. Et je continuerai à l’explorer et la connaître.
Y a pas à dire, les analogies à trois francs, ça a du bon.