Sentence nostalgique

[DISCLAIMER: Ceci est le résumé écrit d'un podcast, les formulations sont donc volontairement très familières et orales. J'ai pensé que ça pouvait être marrant de le partager toutefois. Bonne lecture !]

Confinement oblige, on voit de plus en plus de gens qui partagent sur Facebook les 10 albums qui les ont le plus marqué. Honnêtement, je trouve ça plutôt cool, je suis-moi-même passionné de musique et c’est un sujet qui m’intéresse.

Seulement voilà, je trouve qu’on se focalise trop, les médias tout comme les gens en général, sur la bonne musique, au détriment de la mauvaise.

Je m’explique : Plutôt que de se gargariser de notre appréciation des grands classiques de rock progressif ou de ses propres pépites underground de hip-hop west coast, je pense qu’il serait intéressant de se replonger dans les bouses musicales de notre enfance, et leur redonner une chance.
C’est vrai, y’a tellement d’albums qui ont été jetés aux oubliettes, car unanimement considérés comme mauvais, sans que l’on puisse remettre en question leur supposé mauvais goût.
C’est pourquoi, pour rétablir cette injustice, j’ai décidé aujourd’hui de re-écouter Près de toi, le premier album de Lorie, histoire d’y apporter un nouveau regard, critique cette fois, et voir si cet album a bien vieilli… ou pas.

Avant toute chose, je précise que je ne suis pas là pour me moquer de l’artiste, mais bien de l’œuvre. J’ai d’ailleurs beaucoup de respect pour Lorie, qui a réussi l’exploit de connaître le succès très jeune et d’avoir su assurer sa reconversion en tant qu’actrice sans passer par la case Britney Spears. Aujourd’hui, c’est une actrice qui a joué dans de nombreux films, séries et pièces de théâtre, elle a même refait un album en 2017 qui …. vaut ce qu’il vaut.

Mais là n’est pas le sujet, je sais pas si vous imaginez à quel point ça a dû être un enfer sa vie post-célébrité pour gamines de 10 à 14 ans. Toutes les personnes du monde qu’elle a rencontré ont dû lui faire la même blague : « Ah ouais t’es Lorie, la chanteuse là ? Ah ouais déliiiiire… Wesh Lorie, tu veux pas être ma meilleure amie ? Tu préfères toujours rester toute seule ? Vas-y là, pourquoi tu rigoles pas ? T’es pas censée avoir… la positive attitude ? »

Moi, à sa place, c’est sûr que j’aurais pété un câble à base de claque dans la gueule, high kick balayette, suivi d’un grand rail de coke pour me détendre. Mais non, Lorie a su rester une star sans histoire, le summun du gossip à son égard, c’est sa relation avec Billy Crawford, ça vous situe le niveau de pureté. On est quelque part entre Mère Thérésa et l’abbé Pierre.

Donc encore une fois, respect à toi Lorie, ce n’est pas vers ta personne que cette critique est destinée.

Revenons à l’album. Pour resituer le contexte, Près de toi est le premier album de Lorie, sorti en 2001 et vendu à plus d’un million d’exemplaires (triple disque de platine au passage), contenant les singles cultissimes « Près de moi » , « Je serai (ta meilleure amie) » et « Toute seule ». Et en vrai, si on s’en tient à ces 3 singles… Ben ça va ! Enfin, je dis ça va comme si j’étais en soirée et qu’on me demandait si je voulais bien une kro.
« Ouais, ouais, t’inquiète, une kro ça va, pas de problème… ».
Dans ce cas-là, perso, j’aime bien demander un peu de picon, ce sirop orangé qui va noyer le goût insipide de notre kro à grand renfort de sucre.
Et ce qui va jouer le rôle du picon pour nous, auditeurs attentifs re-écoutant ces 3 hits de Lorie, ça va être l’effet nostalgie. Impossible de ne pas associer Lorie à des parties de chat perché endiablées, à des soirées pyjama entre copines (ou copains) qui s’éternisaient jusqu’à au moins 21h35 (Bonjour comment j’étais fatigué), ou à ses premières pelles avec Samantha lors de la boum de fin d’année (slurp slurp).

Raaah…. le bon temps quoi. Aujourd’hui, malgré les presque 20 ans qui nous séparent de ces chansons, impossible de bouder son plaisir à réécouter ces hits.

Toutefois, notre but dans cette chronique, c’est d’essayer de séparer le picon de la kro pour ne juger que la kro, parce qu’à peu près tout passe avec du picon.

Pour en finir avec les points positifs de cet album, je dirais qu’instrumentalement, y’a encore des trucs qui se tiennent :

• L’équipe derrière ta meilleure amie a fait un taff correct, c’est
  varié, dynamique et très pop ;


• Les guitares sur toute seule font penser aux arpèges de sweet child o
  mine des guns’n roses, ce qui est plutôt réussi;


• Les synthés sur le pré-refrain de « ne me dis rien » élèvent la
  chanson et donnent du relief aux paroles un peu (BEAUCOUP) creuses de
  la chanteuse.

Et… voilà, c’est tout. On va maintenant passer aux points négatifs de l’album.
Là où ça se gâte, c’est que mis à part ces 3 singles potables, le reste de l’album est franchement à chier. Déjà, les paroles sont niaises au possible. On pouvait se douter de ça rien qu’en regardant le nom des chansons qui composent cet album : Près de moi, Ta meilleure amie, I love You, Tout pour toi, je manque de toi… Ca ne vous rappelle rien ?

Toi plus moi plus eux plus tous ceux qui le veulent...

Grégoire, avec son single toi + moi n’a donc rien inventé, il marchait déjà dans les pas de Lorie.

Mais surtout, cet album n’a aucune putain de cohérence. D’un côté t’as « Toute seule », chanson qui vante les vertus du célibat, hymne à l’indépendance et à l’empowerment (WOOOOOOW YAS QUEEEEEN)… et juste à côté t’as des titres comme « I love you », où elle décrit sa correspondance par mail avec un américain dont elle est amoureuse, « Tout pour toi », où elle explique que tout ce qu’elle fait c’est par amour pour son mec, ou encore « Entre vous deux », où elle doit choisir entre deux mecs qui lui plaisent. Faudrait savoir Lorie, tu veux être seule ou avec un keum ? Tu te fous un peu de notre gueule, Lorie, là quand même…

Alors évidemment j’en veux pas à la chanteuse Lorie pour ces incohérences assorties d’une niaiserie dégoulinante, ce n’est même pas elle qui a signé les paroles, elle n’est qu’interprète. Sa marge de manœuvre créative se limite à sa manière de chanter, et encore ! Pour le reste, c’est peanuts.
Qu’est-ce que ça montre tout ça ? Ça montre en fait toute la machine marketing derrière cet album. Une rangée de mecs en costard qui voulaient faire de Lorie la prochaine Britney Spears française, en lui faisant chanter des chansons balayant le spectre des situations amoureuses pour les jeunes filles en fleurs. Y’en aura pour tout le monde, balekouy de la cohérence lyricale. De toute façon à cet âge-là, elles sont bien trop connes pour s’en rendre compte.

Je suis volontairement provocateur, mais je reste persuadé que c’est pas loin de ce qui a dû se dire aux réunions de son label. N’oubliez pas que derrière chaque chanson ou presque que vous entendez à la radio, y’a des dizaines de mecs en costard qui font des réunions pour contrôler et orienter le produit final. On parle bien d’industrie de la musique pour une raison.

Là où ils ont échoué avec Lorie par rapport à Britney Spears, c’est qu’ils n’ont pas su lui donner son côté subversif et provocateur, la cantonnant dans la case des chanteuses trop propres sur elles, et donc facilement oubliables. Le génie de Britney Spears, c’est d’être allée à l’encontre des mecs en costard sur sa direction esthétique. Prenons l’exemple de son premier tube Baby one more time (extrait) : Au moment de l’enregistrement de la partie vocale, Britney était trop stressée, donc elle est revenue le lendemain après avoir fait la teuf toute la nuit, et c’est ça qui apporte toute la sensualité de son chant. Rebelotte pour le clip, à la base c’était censé être un truc gentil avec des personnages cartoons. Britney n’était pas d’accord, et a demandé à faire le truc à sa manière en prétextant que les hommes en costard ne savaient rien de ce que voulaient voir les jeunes de son époque. La suite, c’est un clip mythique qui a fait l’effet d’un tremblement de terre pour le puritanisme américain, et le début d’une carrière immense (bien qu’un peu bordélique). C’est donc grâce à Britney et Britney seule que le clip de Hit me baby one more time est entré dans le panthéon de la pop culture. Saluons tout de même le travail des hommes en costard, qui en quatre notes seulement ont réussi à rendre une chanson irrésistible.

Revenons à nos moutons. Lorie, c’est donc une tentative de clonage de Britney Spears, le côté provocateur et sexuel en moins. En gros, un assortiment haribo où tu gardes que les réglisses.
Le problème, c’est que dans leur tentative de s’adresser au jeune public féminin fleur bleue, les mecs en costard derrière l’album de Lorie sont un peu partis en couille. Et on voit bien qu’on a affaire à des Jean-Michel romantisme qui ont une vision au mieux limitée, au pire franchement arriérée des relations amoureuses, même en 2001. Du coup, ça donne des choses comme ça :

"Eh les filles, ça n'en vaut pas la peine, des dragueurs y'en a par dizaines"
Toute Seule

...ou ça:

"Franchement t' exagères, tu crois que j'ai pas vu que t’arrêtais pas de le regarder !

-Tu sais très bien que c'est toi que j'aime, alors arrête ton cinéma oh la la !

Tout pour toi

Non mais sérieux, qui dit ça ? Notez également le jeu d’acteur fantastique, c’est du level des feux de l’amour, voire de petits secrets entre voisins sur TF1 !
Les gars, ça ne se passe pas comme ça dans la vraie vie ! Ceci n’est pas la norme mais l’exception ! Tu m’étonnes qu’après, on ait une représentation de l’amour basée sur la rencontre avec le prince charmant, entre Lorie, Chimène Badi et les Disney, on n’est pas aidés ! Tu m’étonnes que y’a des Kévin et des Samantha qui se marient à 16 ans pour divorcer cinq ans après avec deux gosses sur les bras, ils ont été biberonnés au prince charmant dès leur plus jeune âge ! Et quand ils se rendent compte que l’amour, c’est pas une chanson de Lorie ou un clip de High Shool Musical, et ben ils déchantent ! Pour reprendre la comparaison avec Britney, sa représentation du désir et de la tension sexuelle qui en découle est bien plus universelle. Les compositeurs ont eu la bonne idée de faire dans le suggestif au niveau des paroles, et non dans le littéral comme c’est majoritairement le cas pour Lorie. Ça explique en partie pourquoi les chansons de Britney, bien que datées, ont mieux résisté à l’épreuve du temps que celles de Lorie.

Bref, si encore y’avait que ça qui n’allait pas dans cet album…. Mais non, il y a bien pire ! D’un point de vue purement vocal, Lorie chante tout le temps de la même putain de manière, quelle que soit la situation ! Elle a l’air tout le temps heureuse, et est incapable de transmettre d’autres émotions ! C’est un furby la meuf ! Ecoutez donc les chansons "Ne me dis rien" ou "entre vous deux"
Putain Lorie, t’es censée être torturée là, avoir peur de perdre l’être aimé, arrête de chantonner comme si tu venais d’acheter des fringues chez Pimkie, bordel ! Est-ce encore une décision des mecs en costard ? Vouloir en faire une poupée lisse et sans histoires jusque dans son absence d’émotions ? Ou est-ce qu’elle est simplement câblée comme ça, une machine à bonheur illimitée ? Peut-être un peu des deux. Toujours est-il que passé l’effet nostalgique, qu’on essaye d’enlever pour rappel, je sais pas pour vous mais j’ai vraiment l’impression qu’on me prend pour un con.

Continuons donc ! On va maintenant éplucher certaines chansons et montrer qu’il y a d’autres trucs qui ne vont pas du tout et qui ont pris un sacré coup de vieux.
Commençons par I Love you.

Déjà, la musique d’intro c’est une musique pokémon toute naze, genre celle du premier village, Bourg-Palette.
Comme expliqué précédemment, I love you est une chanson d’amour où Lorie décrit sa relation avec un américain vivant à Philadelphie, qui se fait par échange de mails. Déjà, faut savoir que Lorie avait 18 ans quand elle a enregistré ce titre, d’où t’as une relation avec un mec qui vit à l’autre bout du monde à 18 balais ?
Roh mais arrête de la juger, tu la connais pas et elle est libre de disposer de son corps comme elle le veut !
Certes, mais voyez plutôt la suite :

"Sur ton email, j'ai souligné ton nom: Brandonlove.com

I Love You

De deux choses l’une :
1. Le mec s’appelle Brandon ! C’est l’équivalent de Kévin en France, ça devrait déjà être dissuasif ! Donc ok, elle fait ce qu’elle veut de son corps, mais pas avec un Brandon, c’est du bon sens !
2. Sa phrase ne veut rien dire : elle a souligné son nom dans son email ? Et elle l’appelle Brandonlove.com ? Donc le mec a un site à son nom ? Je suis perplexe. Déjà, BrandonLove.com, ça fait un peu site perso d’un acteur porno. (Hi my name’s Brandon love, wanna see my huge cock ?) Mon pronostic, c’est qu’elle a pas fait exprès de souligner son nom, c’est juste ce qu’il se passe quand t’insères un lien hypertexte. Tu sens qu’on est en 2001, c’est les balbutiements d’internet, elle avait une adresse caramail ou yahoo et elle devait être en galère pour envoyer un email. (Putain mais pourquoi ça souligne quand j’écris brandonlove.com ? Roh c’est trop beau, je garde comme ça, Brandon love va kiffer).

Next, on passe à « l’homme de ma vie ».
Le titre est un peu trompeur, en fait Lorie parle de son père, et de son futur amoureux qui le remplacera en tant que nouvel « homme de sa vie ». C’est mignon tout plein, vous me dites ?

"Je serai ma vie entière, son enfant, son écolière"

L'homme de ma vie

C’est peut-être mon esprit mal placé, mais cette phrase est un peu glauque.
Mais il y a aussi ceci :

"Et quand vers moi il regarde, un oiseau se pose sur ma main"

L'homme de ma vie

Je comprends pas. Soit c’est une métaphore, et j’ai rien compris, soit c’est juste super chiant. Chaque fois que ton daron te regarde, t’as un piaf qui se met sur ta main. Tellement relou ! Les vacances de famille c’est mort, on oublie, ciao.

Je pourrais vous citer plein d’autres moments chelous comme l’intro qui fait penser à un écran d’accueil de borne d’arcade street fighter sur ne me dis rien, les passages autotunés et les intermèdes tektonik dégueulasses sur « tout pour toi », mais j’ai préféré vous garder le meilleur pour la fin.

Sur l’avant-dernier morceau « je manque de toi », on assiste à un pétage de câble total des producteurs. Accrochez-vous, ça pique les oreilles.

C’est quoi ce putain de bordel ! Pour rappel, la chanson parle du sentiment de frustration amoureuse qu’éprouve Lorie en raison de l’absence de son mec. C’est quoi le rapport avec un espèce d’enfoiré sous coke qui gueule en te disant de sauter ? Pourquoi, bordel ? Encore une fois, faut se dire que tout ça est le fruit de réunions entre mecs en costard !
« Ok les loulous, c’est tip top champagne votre chanson, mais il manque encore un truc après le refrain pour que ça soit vraiment de la balle ! Oui Claude ?
J’avais pensé à faire chanter mon neveu Jonathan, c’est une crème, tu verras il est super ! J’ai déjà les paroles, je les ai faites en anglais pour le côté international business tu vois, ça donne un truc comme ça : I wanna see you jump jump jump I got a groove, I gotta make you move, I gotta swing blablabla… Voilà. Ah et on mettrait tout en vocoder.
Mais bravo Claude, c’est exactement ça ! Allez hop, tournée de crémant pêche, c’est moi qui offre ! WOUW ! »

Bref, pour conclure, malgré ses 3 singles potables, et pour peu qu’on veuille bien mettre l’aspect nostalgique de côté, Près de toi est une grosse bouse. C’est même pas tant la musique qui me gêne, de ce côté-là ça a juste pris un gros coup de vieux mais ça reste entraînant et plutôt efficace. Non, ce qui me gêne vraiment, c’est le fait qu’avec un regard d’adulte post-pubère, on voit vraiment que ça a été fait par une section marketing d’hommes en costards qui ont muselé Lorie. J’ai rien contre la création de musique de façon industrielle, y’a beaucoup de morceaux pop d’hier et d’aujourd’hui qui sont super bien faits et que j’adore. Mais là, les ficelles sont trop grosses, et avec du recul, on voit que les producteurs avaient juste envie de perpétrer une vision de l’amour façon Walt Disney. C’est niais, c’est naze, et ça sonne faux.

Ceci dit, est-ce que cet album reste quand même mieux que les 15 chansons qui passent en boucle sur NRJ et Fun radio ? A vous d’en juger, vous vous démerdez.