Prose Combat par Kristoffe
Le rap est aussi un jeu. On l'oublie, car cela se vend moins bien que le "rap conscient", que le rap révolté, énervé et codifié. Mais le rap en tant que terrain d'expérimentations, de lieu d'évolutions constantes, celui-là est ancré dans son époque, et, en France tout du moins, n'intéresse qu'une certaine frange.
On préfère oublier Solaar, parce que la suite de sa discographie est affreuse, et parce qu'il aura toujours préféré laisser parler sa plume que son ego. Mais avec "Prose Combat", il y a les prémisces de tout ce qu'il y a à suivre, et tout ce qu'il a su assimiler de la montée du rap au début des années 90.
Si "Qui sème le vent récolte le tempo" était totalement ancré dans cette identitaire rap cool et référencé, "Prose Combat" lève le pied et prend le temps de s'imprégner de toute cette période mouvante. Les productions de Jimmy Jay et Boombass (en 1994 !) sont funkys, libres et légères. Solaar les sublime par des textes précis, au flow chaloupé et un sens du rythme inégalable, alliant les vagues dominantes jazz rap et g-funk du rap US.
Alors oui, on oublie le rap comme jeu, car la descendance est moins sous les spots. Mais en 1994, Solaar fait chanter le rap et allie le flow mélodique aux productions jouissives. Un album étalon, qui trouvera son écho dans toute la vague du rap alternatif français des années 2000, de La Caution au Klub des Loosers.