Armanenschaft est l'un des multiples projets aussi géniaux que méconnus du génial Sami Hynninen, musicien finlandais dont j'ai déjà dû faire l'éloge ici ou là sur ce site...
L'Armanenschaft... Une espèce de théorie occultiste nazie, apparemment pratiquée par des haut-dignitaires SS...
L'occultisme nazi... Il paraît que c'est en grande partie un mythe... Mais je remarque en tout cas la présence d'un petit Totenkopf sur la pochette, insigne connu pour avoir été celui d'un régiment de hussards prussiens et de... enfin...
Mais ne vous inquiétez pas : Sami Hynninen est parfaitement hallal. Un de ces grands sensibles du siècle, quelqu'un en lutte contre tou.t.e.s les discriminations, même celles dont sont victimes les animaux. C'est aussi un fervent occultiste. Rien de tout à fait contradictoire, d'ailleurs, puisque l’occultisme, depuis le XIXe siècle, est généralement pensé comme étant un moyen de libérer l'homme de toutes les contraintes qui l'aliènent, de lui octroyer une puissance individuelle inouïe...
Malgré ses excentricités, qu'on pourra éventuellement attribuer à la bipolarité qui le ronge, Sami Hynninen demeure un musicien génial et fascinant, extrêmement doué lorsqu'il s'agit de créer des ambiances saisissantes. Il est surtout connu pour avoir été le bassiste et le chanteur du groupe de Doom Traditionnel Reverend Bizarre.
Armanenschaft est l'un de ses projets Black Metal, genre musical dont il a toujours affirmé être un immense fan. Pour lui, il y a une proximité évidente entre le Black Metal et le Doom Metal, notamment en raison de cette tendance à approcher sérieusement des thématiques touchant à la spiritualité — notamment, bien sûr, à l'occultisme.
L'autre proximité avec le Doom Metal, c'est évidemment l'importance du travail sur le son, constituant primordial de la démarche artistique. C'est au souci du bon son que l'on reconnaît les meilleurs artistes dans ce milieu. Quelque chose qui mériterait peut-être d'être un peu mieux compris, surtout au sein de la scène Doom...
Reverend Bizarre avait d'ailleurs un son parfait, parfaitement bien pensé, ce qui constitue une des raisons pour lesquelles ce groupe se hisse bien au-dessus de ses confrères. Mais peut-être Sami se trouvait-il un peu frustré de ne pas pouvoir exprimer toute son excentricité dans ce groupe pensé pour être rigoureusement classique...
En 2004, Sami avait déjà pu illustrer son goût pour le son crade, à moitié bruitiste, avec l'unique EP de son défunt projet de musique électronique/noise/Black Metal (?) à peine écoutable, March 15, qui n'a pu sortir dans un format de bonne qualité et à « grande » échelle qu'en 2014. Le nom du groupe fait aussi référence à quelque chose de pas très catholique, d'ailleurs...
On peut dire qu'Armanenschaft perpétue tout-à-fait cette démarche, avec quelque chose de toutefois un peu plus audible (il y a un usage plus modéré du larsen, dira-t-on) ; groupe que Hynninen a formé avec deux illustres inconnus, et qui n'aura sorti, hélas, qu'un unique album de trente-cinq minutes, en 2008, Psychedelic Winter.
Un nom qui résume plutôt bien le propos de l'album. Une sorte de délire éthylique d'un dépravé aux élucubrations fumeuses, à moitié mystiques. L'album donne bien souvent l'impression d'avancer en boitant : tout y est bancal, dans le jeu de batterie, dans la guitare, ou le chant complètement barré. Sami Hyninnen, chanteur talentueux, se surpasse... « Walvater », en particulier, est un morceau fabuleux...
Le son, surtout, est d'une crasse assez jouissive, encore qu'en restant tout-à-fait audible. La guitare (il n'y a pas de basse) est à peine saturée, mais avec ce type saturation assez abrasive, avec beaucoup de sustain, qui s'étale souvent en larsens, et qui rend extrêmement bien les arpèges ou le tremolo-picking. Et c'est pas beaucoup mieux concernant la batterie, avec ces cymbales qui crachent dans un boucan infernal, produisant une espèce de magma indéchiffrable d'aigus dans des blast-beat monomaniaques où la caisse claire martèle sur le temps (et non sur le contre-temps) pour un effet encore plus déconcertant.
Le son crade, comme pour Fell Voices, donne là aussi quelque chose de bourdonnant, d'hypnotique... Mais moins planant, beau et grandiose que psychédélique, déroutant, complètement barré, avec beaucoup de ruptures de ton, des morceaux expédiés en une minute trente, dans une cacophonie baroque pas tout-à-fait dénuée de cohérence.
Une pièce unique, qui vaut franchement le détour.