Charles Gayle Quartet – Raining Fire (1993)
« Raining Fire » est le second volume des sessions d’enregistrements des vingt et un et vingt-deux janvier quatre-vingt-treize, il continue et prolonge « Translations » qui le précède dans l’ordre des sorties. Il est paru sur le fameux label suédois « Silkheart » qui fit tant pour le free jazz et pour Charles Gayle en particulier.
Ce dernier joue ici du ténor, de la basse clarinette et de l’alto, cousin du violon. Une particularité de cette session est la présence de deux bassistes, William Parker qui joue également du violoncelle et du petit violon. Vattel Cherry est l’autre bassiste, il joue également du kalimba, le lamellophone, ainsi que des cloches. Michael Wimberly est à la batterie.
Cet ensemble est une véritable machine à rythme qui foisonne et bouillonne de partout, donnant une impression touffue et massive, très dense, ne laissant pas la place au silence. Dès la première pièce « In Christ », l’impact est viscéral et furieux, dix-sept minutes frontales, pleines d’une énergie féroce, où l’on comprend que l’on ne sortira pas vainqueur de ces duels- là, et qu’il faudra subir !
« Blood’s Finality » est plus erratique, la batterie passe au premier plan et les « crins-crins » strient l’air plus au loin, après une intro assez longue, presque calme bien que tendue, Charles Gayle fait entendre la basse clarinette, un instrument dont il use avec parcimonie, mais il sait faire. Il se trouve bien en cette compagnie, ce groupe est devenu presque régulier, enfin autant qu’il est possible pour une formation de jazz à cette époque, chacun répondant aux invitations qui arrivaient, de droite et de gauche, de quoi composer un emploi du temps sans trop de passoires…
« Blood’s Finality » est donc voué aux cordes qui crissent et s’agitent, violoncelle et basse, cordes frottées, grattées et frappées. La pièce suivante est dans le même ton, « Death Conquered », ça ne rigole pas trop dans la maison Gayle, les concerts sont des cérémonies funèbres où les Dieux et les Démons s’agitent et se combattent comme dans une arène. Bien qu’ici tout ce petit monde se tient bien au chaud dans un studio, à West Orange, dans le New Jersey. Qu’importe pour Charles qui, avec son ténor, réveille Albert Ayler et l’invite à sa table !
Il faut bien le dire, Charles Gayle est un homme bon et généreux, mais éprouvé par la vie qui ne l’épargna guère, mais il possédait cette force au fond de lui qui lui fit traverser tous les dangers, le fit tenir debout au milieu des épreuves et des pires difficultés. Sa foi inébranlable lui fit traverser des montagnes. Dans le même temps cette absence de doute en fit un têtu, quelqu’un qui ne transige pas, même s’il faut en payer le prix.
Artistiquement, on le voit parfois partir dans de longs développements, sans thème ni boussole, droit devant, comme un bélier, la tête vers l’avant, et bousculer les « us » et les « coutumes », tout envoyer valdinguer, en espérant voir surgir un éclair de beauté, comme sur « Grace » par exemple, où il cherche et s’évertue, se donne, l’âme à l’avant, qui écoute entendra le cri de sa voix…
Et « Raining Fire » pour dire au revoir, clarinette basse, lyrisme, paix et calme…