Il y a quelque chose de particulièrement singulier et touchant dans la voix de Devendra Banhart, quelque chose d'évident. Ce jeune prodige du folk américain a déjà  établi sa légitimité en sortant un disque sur l'excellent label de l'ex-Swans Michael Gira, Young God Records. Sur ce premier galop d'essai à  destination d'une grosse structure, on dira que pour lui la lande est vaste et les possibilités, infinies. Pourtant, bien que ça ne soit pas sa qualité première, la musique de Banhart est faite de peu : une voix, unique et perforante, probablement vieille de plusieurs siècles malgré la candeur de sa jeunesse, et une guitare en bois. Devendra chante du folk acoustique comme on le faisait au début du siècle dernier, dans les champs de coton, avec cette honnêteté immuable et glorieuse que l'on retrouva plus tard chez des types aussi insignifiants que Tim Buckley ou Nick Drake. Sa voix est affublée de plus d'un léger défaut d'élocution, comme en son temps celle de Tom Rapp (Pearls Before Swine), qui chantait à  la manière de Dylan, mais avec des orties dans la bouche, petit défaut qui donne ici une impression de tendresse troublante. Il chante comme si sa langue sortait de la bouche de quelqu'un d'autre, après un échange de salive très doux, comme si Karen Dalton et Billie Holiday nous caressaient les cheveux après l'amour. Rejoicing The Handsest un tour de force à  la discrétion enviable : ce type évoluera soit vers un supplément d'emphase, soit vers la création d'un univers intime passionnant et ouvert à  toutes les potentialités. Une chose est sûre, il est là  pour longtemps.(Magic)


Ce disque a tout pour devenir un mythe : un enregistrement en 10 jours dans une grande maison vide d’Alabama, la personnalité de son auteur, sorte de troubadour moderne au visage de christ brun vivant sur la route au gré de ses humeurs vagabondes, un blues blanc intemporel qui aurait pu aussi bien être enregistré dans les années 30 ou 60. Cette sensation d’être hors du temps nous laisse à croire que ce disque est hanté. On y sent en effet la trace d’autres disques, d’autres artistes, des empreintes légèrement effacées sur la poussière d’un vieux piano de bastringue. Mais dès que l’on croit saisir une filiation, les liens s’estompent. Les références y sont comme des fantômes.Il faut donc prendre le temps d’écouter ce deuxième album de Devendra Banhart pour espérer y entrevoir les spectres de Tim Buckley, de Karen Dalton ou, plus furtivement, de Nick Drake. En effet, toutes ces influences se mêlent si bien qu’elles disparaissent pour laisser place à un album à nul autre pareil. Pour réaliser ce miracle, une voix à la nonchalance habitée accompagnée d’une seule guitare suffit. Point d’arrangement superflu ici : on perçoit parfois un vibraphone, une touche de piano, un peu de violon pour appuyer une ambiance de cabaret, mais l’essentiel, c’est à dire les chansons, est porté par la voix haut perchée et chevrotante de Devendra Banhart. Car cet album est avant tout un recueil de chansons, de bonnes chansons : "It’s A Sight To Be Hold" et son refrain entêtant frise la pop la plus légère, "Will Is My Friend" nous touche comme une chanson de Will Oldham (coïncidence ?). Contrairement à une tendance bien établie chez nombre de folkeux actuels, les morceaux ne sont pas tristes. On se prendrait même à danser sur "Fall", à rire sur "To Dolos Dolores". On sent chez Devendra Banhart une urgence à chanter ses chansons, à les faire vivre, à s’y lover. Il est un interprète : il possède cette faculté de les jouer comme joue un acteur, avec une grande part d’expressivité. De fait, il n’a pas besoin d’artifice de production : sa présence nue suffit. De ce dénuement naît la beauté de ce disque. Rejoicing In The Hands est la grande richesse de Devendra Banhart : il est son unique viatique de clochard. De clochard céleste évidemment.(Popnews)
Creepy. Dans tous les films d’horreurs il y a toujours ce personnage un peu barré, un peu bizarre. Celui que l’on soupçonne immédiatement d’être le tueur. Mais qui à la fin se trouve être innocent. C’est un peu comme ça que je vois Devendra Banhart. A l’écoute de ‘‘Rejoicing in the hands’’ c’est un sentiment de malaise indescriptible qui fait surface. Banhart est un freak. Jeune (23) et tout juste diplômé d’une école d’art. (une des plus reconnues, le San Francisco Art Institute). Il dessine ses pochettes, même les textes sont calligraphiés (et illisibles). Sa musique est assez low-fi et très peu d’instruments viennent accompagner sa guitare acoustique. Et sa voix chevrotante qui commet si souvent des faiblesses ? Elle renforce cette sensation étrange. Heureusement on devient vite accro à ce disque et le malaise passe. Ses textes sont à l’image du personnage. Parfaits sans pour autant être très originaux. Tout le disque est en plein folk ou blues folk. Parfois même il fait penser à Piaf. Ou plutôt à Buckley (Jeff) qui reprend Piaf (‘‘This Beard Is for Siobhán’’) D’ailleurs quand on y pense Piaf avait ce même charisme et engendrait à la fois ce malaise et cette fascination. Bref ‘‘Rejoicing in the hands’’ est addictif et c’est ce qui le sauve des jugements rapides. Et puis Banhart est un garçon productif puisque vient de sortir chez nous son dernier album (après 2 LP et un EP): ‘‘Niño Rojo’’ qui à première vue semble tout aussi réussi ! (liablility)
bisca
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le 13 mars 2022

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