Dean Wareham met un terme à l'impeccable carrière de Luna comme il l'a toujours menée : avec classe. Rendezvous est un magnifique chant du cygne, peut-être le plus bel album du groupe, synthèse parfaite des qualités développées en douze ans (rythmique agile parfois proche du jazz, guitares élégantes, chant légèrement distancié). Ce disque évoque plus que jamais une promenade automnale nonchalante dans les rues brumeuses de New York, hantées par les fantômes du Velvet Underground et de Television. Dès l'ouverture, Malibu Love Nest coupe le souffle en renouant avec une ampleur qui manquait au très bon mais inégal Romantica. Bien assis sur une rythmique tendue à l'extrême et un motif mélodique hypnotique, Sean Eden y développe son jeu de guitare aérien puis très incisif à la fin du morceau, avec des riffs courts et tortueux. La suite est à l'avenant et confirme le génie de ce guitariste jamais tenté par la démonstration d'un savoir-faire technique, toujours dévoué à l'esprit de chansons sublimes. Il tricote des motifs gracieux sur Cindy Tastes Of Barbecue, dégaine des effets dévastateurs sur Astronaut. Mais la vraie surprise de cet ultime Lp de Luna, c'est le chant de Dean Wareham, changeant au gré des humeurs et des chansons. Souvent teintée d'une pointe d'ironie, sa voix pincée est touchante de sincérité et méconnaissable sur Still At Home, ballade qui dans un monde idéal affolerait les programmateurs radios. Épaulé dans les aigus par la bassiste Britta Phillips, il donne à Broken Chair un tour mélancolique. À l'issue de ce disque idéal, on est partagé entre les regrets de voir disparaître Luna et l'admiration devant une formation qui a l'élégance de s'arrêter au sommet. Ne manquez sous aucun prétexte cet ultime Rendezvous avant l'éclipse de Luna. (Magic)