Rip the Jacker (un des autres surnoms de Canibus) est une contrepèterie de Jack the Ripper, le fameux tueur en série connu en France sous le nom de Jack l’Éventreur.
Si on m'avait dit hier que j'allais écouter un album first class avec des morceaux exceptionnels de série qui soient hors des sentiers battus et balisés des charts du hip-hop, je ne l'aurais primo pas cru, et deuzio je pense même que j'aurais misé un de mes testicules sur le marché du prêt sur gage. Donc je me suis évité d'être équipé d'une seule valseuse à l'heure où je vous parle. Perso ça m'arrange.
Comment pouvais-je m'imaginer un seul instant que dans les "classiques" du hip-hop allait s'immiscer un album inconnu du grand public ? oserais-je dire inconnu tout court.
Car Germaine Williams aka Canibus envoie un album bousculant les codes, les classements et les styles. C'est d'autant plus gratifiant qu'il le fait seul. Très rares sont les albums de rap où il n'y ait pas de featurings, pas de collaborations, enfin bref quelqu'un qui vienne apporter son concours. Ici le type se la fait en solo (en plus de l'écriture des textes) et c'est là que je lui tire mon chapeau car tenir sur la longueur d'un album en maintenant une telle qualité dans les lyrics, les beats, le flow, la manière dont c'est amené ainsi que l’enchaînement des morceaux. Et comme le souligne Kilian Murphy dans Stylus Magazine, Canibus is characterized for his "deep vocabulary, scientific concepts, battle rhymes and descriptive imagery" throughout the album. Voilà un résumé qui colle parfaitement à l'atmosphère qui règne dans cet opus ; un vocabulaire riche, des métaphores, de l'abstraction mêlée à la réalité avec une grande variété d'ambiances dans chaque morceau. C'est ce qui en fait un album particulier, style qu'on retrouve dans les productions d'abstract hip-hop, voire dans l'experimental.
En fait, cette pièce de 45 minutes ne souffre d'aucune faille ; c'est le vol long courrier dont on rêve en secret, niché dans un coin, dans l'ombre, en cherchant une once de clarté. Ce petit faisceau lumineux qui nous donne(rait) tant de joie, de plaisir. L'âge d'or du rap se trouve dans les nineties mais le début du nouveau siècle a connu son lot de bonnes trouvailles, voire de masterpieces. Cet album en est un sans aucun espèce de doute. Je pense qu'il me faudrait plusieurs pages pour en faire la dithyrambe complète. Il regorge de détails, de samples empruntés au rap mais pas seulement (un sample pris à Portishead et son morceau "Wandering Star" ici avec "Psych Evaluation" et même à du fado avec les touches de guitares empruntées à "A Sombra (Fado Nocturno)" d'António Chainho). Ces deux exemples sont typiques de l’atmosphère parfois éthérée (le Cloud Rap qui viendra plus tard) qu'on retrouve disséminée ça-et-là, des accents orientalisants ("Levitibus") se laissent même s’entrapercevoir.
La mine d'or se trouve à tous les coins des 45 minutes, rien n'est laissé au hasard. La production signée Stoupe l'est pour beaucoup. Le bonhomme a quand même été classé selon plusieurs sources, dans les 50 meilleurs producteurs de hip-hop. C'est pas rien quand on connaît la concurrence. Certes c'est pas DJ Premier non plus Pete Rock mais ça vaut son pesant sur le marché de la cacahuète, surtout pour une prod relativement underground sur un label qui l'est tout autant.
J'annonce : cet album est une sacrée mandale dans la gueule.
Je vais de ce pas le commander.
10 stars cash et je paye en petites coupures.