Ce disque est une recommandation de Laughing Stock que j'ai intercepté alors qu'il en parlait avec Mushroom-Man. Intrigué, je me suis mis à écouter le premier morceau pour voir et direct la sauce à pris en une minute de temps. Cela m'a donné l'envie d'écrire une critique à chaud, exercice que j'avais interrompu en mai 2022. Je me lance donc à l'aveugle :
"What I See" commence très fort, l'impression d'être dans une Afrique imaginaire puis progression vers un chant aérien, un côté soul et tout à coup un carnage maîtrisé se terminant sur un larsen qui se transforme en une courte manipulation radiophonique pour nous entraîner dans un chant envoûtant, choeur et cymbales percutantes, et retour vers un carnage terminant le morceau. Je suis subjugué par ce premier morceau. La suite est du même acabit, on part dans tous les sens sans se perdre, c'est une véritable sarabande, les niveaux des voix se répercutent, s'entrelacent, c'est sautillant, ludique. Je suis habitué aux sons à l'envers, mais ici ils sont utilisés de manière parcimonieuse et efficace, comme un instrument de musique.
Toujours cette impression de guitare africaine, le mélange des voix féminines et masculines est redoutable, déconcertant, mais toujours cette notion de plaisir de chanter qui se transmet spontanément. Ils savent aussi faire des pauses où on respire, jouant sur les contrastes atmosphère/rythme.
"Thirsty and Miserable" commence par la voix du chanteur par moments sur un fil, les chanteuses tissant leurs envoûtements autour, une montée percussive très courte, puis de nouveau cette douceur qui se déroule jusqu'à des triturations parfois à la limite de l'écoutable, mais sans jamais nous déséquilibrer. L'enchaînement se fait sur un morceau à tendance folk, mais déchiré et paradoxalement très doux.
Tout est tissé de manière subtile, allant de la délicatesse à la vivacité ... la férocité se manifestant toujours par à-coups (sûrement ça l'hommage à Black Flag, groupe de punk/hardcore, faut-il le rappeler).
Je me laisse vraiment bercer par l'ambiance du morceau "Room 13", un baume pour les oreilles et le coeur, la voix du chanteur se déroule comme un fil, hypersensible, la guitare qui l'accompagne est tendre, puis de nouveau un accès de sauvagerie. Le contraste est saisissant. Ca se termine sur une musique bancale de vieux film hollywoodien. La chanson-titre est clairement leur chanson la plus accessible, pas la plus intéressante à mes oreilles, sauf qu'au milieu de la chanson ils y mettent fin et la déstructurent pour revenir à l'ambiance générale de l'album. Le dernier morceau "Untitled" étant le silence pendant 2'34" suivi de 1'13" d'une ambiance apaisante jouée par un quatuor à cordes, le tout se terminant par un léger chant féminin juxtaposé au violoncelle qui termine en bourdonnement.
J'ai passé un moment très agréable, où le liquide s'est mêlé à la flamme sans l'annihiler, ce qui est finalement assez rare pour être signalé.