La sueur affectueuse des orteils
Avec Pain of Salvation, j'ai un peu une histoire d'amour qui va et vient. Lorsque j'ai découvert le groupe, il m'a fallu beaucoup de temps pour avoir le déclic, qui s'est d'abord fait avec The Perfect Element. Et chaque album a été une révélation progressive avant de devenir une grosse baffe. Ca a été notamment le cas de Road Salt.
A sa sortie, j'étais dans une de ces passes où je ne suis pas forcément en phase avec le groupe, pas dans l'état d'esprit pour m'abandonner dans leur musique dans une symbiose incroyable comme ça a souvent pu être le cas. J'avais accroché à Linoleum, mais ça n'avait pas été le gros frisson. Les premières écoutes furent donc assez plates; loin d'être détestables, mais sans cette étincelle caractéristique du groupe. Mais le temps passant, je sentais que je l'appréciais de plus en plus.
Et le vrai déclic s'est fait environ un an après (oui je suis long). Une envie qui m'a pris, un moment où j'avais envie d'énergie terreuse qui fout de la boue amoureusement sur la tronche. Une écoute au casque avec le livret dans les mains, et là la magie a enfin pleinement opéré.
Dés l'intro a cappella je suis tout de suite happé dans cette atmosphère suggérée par l'imagerie de l'album, l'impression d'avoir les cheveux dans le vent, les pieds nus dans de la terre et de l'herbe fraîche, en train de festoyer convivialement, avant de se plonger la tête dans le ciel du soir en philosophant sur tout et rien sans prétention, mais avec du coeur. Voilà l'essence de Road Salt pour moi. Les paroles sont dans cet état d'esprit, loin des concepts parfois très ambitieux et structurés de leur passé, ici on est dans quelque chose de plus libéré et léger, comme un jet de pensées très spontané, flirtant avec de la niaiserie un peu idiote peut être, mais toujours agrémenté de cette plume particulière de Gildenlöw qui trouve régulièrement des mots ou des tournures de phrases touchantes ou ironiques, mais en tout cas bien pensé.
On a cette même alchimie musicalement, les longues pistes épiques de metal prog passent à la trappe pour laisser place à des morceaux beaucoup plus courts, directs et simples, très Rock vintage et bluesy, mais toujours avec l'ombre du groupe planant sur ce mélange. C'est ce qui fait que Road Salt n'est pas juste un simple revival des 70s, il s'inspire ouvertement d'un style et d'une époque mais fait sa propre sauce. En cause, la production atypique qui sied parfaitement à ce virage, loin des « murs de guitares et des batteries triggées » comme se plaît à le dire DG, une prod anti-tuning qui ne mise pas tout sur une EQ en V avec des grosses basses flatteuses, mais qui va chercher dans les mediums des fréquences un peu plus criades et crasseuses; et des musiciens avec un feeling singulier. En tête Gildenlöw avec sa voix extraordinaire, et sa guitare parfois un peu balourde mais pleine de conviction; mais aussi notre Léo national à la batterie, incroyablement juste dans son jeu, jamais dans la démonstration ou la platitude, et grand acteur à mon avis du caractère de ce nouveau style du groupe.
Donc Road Salt, c'est Pain of Salvation en plus pareil mais c'est toujours eux, ça parle d'amour et de sexe comme d'habitude mais encore plus qu'avant, ça parle toujours du sens de la vie et de sentiments personnels, mais c'est moins des réflexions sur des questions et des réponses que des bouts d'histoires qui nous feront développer nos propres interprétations. On voyage, de Tell Me You Don't Know qui est une grosse marrade autour d'un feu de camp à Of Dust ou Road Salt qui contemplent les bouts de chemin qu'on a parcouru , en passant par No Way ou Linoleum qui sont des éxultations plus ponctuelles. On tape du pied en tongue pendant une heure.