Frank Zappa prenait soin d'enregistrer un grand nombre de ses concerts, et ce, de surcroît, avec du bon matériel. La série de 6 disques "You Can't Do That On Stage Anymore" en témoigne. Il est probable que s'il avait vécu plus longtemps, il aurait prolongé ces productions. Il serait donc dommage que ses archives, pleines à craquer, restent enfermées dans ce qu'il appelait "The Vault". Sa femme Gail et Joe Travers ont donc eu la bonne idée de sortir de cette voûte quelques uns des meilleurs concerts des Mothers, entre autres cette série intitulée "Road Tapes". Ils ont publié les concerts complets tels qu'ils ont été joués, sans coupures, le meilleur côtoyant parfois le moins bon. Il est probable que FZ n'aurait pas agi de la sorte, il en aurait extrait les meilleurs passages, mais Gail n'est pas Frank, et puis de quel droit aurait-elle agi de la sorte ? Il faut aussi souligner que la ZFT (Zappa Family Trust) a aussi eu la bonne idée de publier un disque contenant des versions de morceaux que l'on ne trouve pas sur d'autres sorties officielles.
Le concert en question est le premier enregistrement en public officiel des Mothers of Invention et le seul de la première formule du groupe. Capté correctement le 25 août 1968, au Kerrisdale Arena, à Vancouver, il a, à ce titre valeur historique. Aux côtés de Frank Zappa à la guitare et au chant, on trouve Roy Estrada à la basse, Don Preston aux claviers, Jimmy Carl Black et Art Tripp à la batterie, ainsi que Bunk Gardner, Ian Underwood et Motorhead aux saxophones et bois.
Après un début un peu approximatif, on peut entendre un long morceau hypnotisant de plus de 20 minutes, "The Orange County Lumber Truck", ainsi qu'un bucolique "Shortly: Suite Exists Of Holiday In Berlin Full Blown" au charme certain. Le meilleur se situant finalement à la fin : l'interprétation hallucinée d'un morceau d'Edgard Varèse, "Octandre", et l'incontournable "King Kong" dans une version free clôturant le concert.
Parmi le moins bon, on trouve un medley allumé de "Help, I'm Rock/Transylvania Boogie", un "Hungry Freaks, Daddy" qui traîne de la patte, un "Trouble Every Day" un peu faiblard, un "Pound For A Brown" un peu bancal, un "Sleeping in a Jar" anecdotique et un "Oh, In the Sky" qui manque de pêche.
Ce n'est certainement pas un disque essentiel pour un auditeur occasionnel qui veut découvrir l'oeuvre de Zappa, mais pour un Zappaphile éclairé, ce disque contient quelques pépites qu'il aura à coeur de découvrir.