Samedi soir sur la terre, comme tout les samedis du monde

Il est toujours difficile d'écrire sur ce qu'on aime le plus. Je ne sais jamais par quoi commencer et j'aimerais juste écrire sublime à chaque phrase. J'en fais à l'instant l’expérience en voulant vous faire partager mon amour pour l'album Samedi Soir Sur La Terre de Francis Cabrel. Les chanteurs Français ne sont pas beaucoup représentés dans ce blog alors qu'en réalité j'aime la langue Française quand elle est chantée. Je corrigerais cet oubli dans un futur proche.
Le fait est qu'en 1994 sort Samedi Soir Sur La Terre dans les bacs et comme à chaque sortie de Francis Cabrel, le succès est au rendez-vous. Pourtant déjà, nombre de détracteurs lui reproche son côté proche du terroir et de sa famille jusqu'à le faire passer pour le chanteur « minéral » pour vieux aux yeux de toute une génération. C'est bien dommage. Rien n'est plus ancré dans l'actualité que les textes de Cabrel. Peu importe qu'ils aient été écris il y a de ça presque 20 ans, vous pouvez écouter chaque chanson et la coller à un fait de votre vie présente. Ne dis-t-on pas que les textes intemporels sont ceux des plus grands ? Dans ce cas Francis Cabrel en fait parti.


Il est indéniable que mon attachement à cet album est lié à mes expériences vécues en l'écoutant. Mais au-delà du plaisir qu'il me procure en me plongeant dans mes souvenirs, cet album est d'un point de vue technique un bijou. Du travail d’orfèvre musicalement et textuellement pour nous offrir une œuvre telle une chapelle : on remarque la beauté générale au premier coup d’œil puis on s'attarde sur la qualité des détails en s'en émerveillant à chaque fois un peu plus. Ainsi, un Samedi Soir Sur La Terre est bâti de façon à reposer sur quatre monuments de la chanson Française : « Samedi Soir Sur La Terre », « La Corrida », « Je T'Aimais, Je T'Aime, Je T'Aimerai » et « Le Noceur ». Ce sont les fondations de l'opus. Nombre d'artiste aimeraient avoir ce genre de chansons dans leur discographie entière, Cabrel les a sur un seul album. Lorsque je faisais référence à l'intemporalité des textes, je tiens ici, sur mes quatre premiers morceaux, la preuve de ce que j'avance.
Lancer depuis des années, le débat sur la corrida est toujours d'actualité. J'ai eu la chance d'écouter cette chanson en concert, les arrangements de base sont si simples et si parlant, que sa retranscription sur scène n'en est que meilleur. Tout a été dit sur « La Corrida », Cabrel prend position dans le débat par un angle d'attaque sublime. Chanter à la première personne tel le taureau dans le couloir de la mort, l’ingéniosité du procédé est stupéfiante. Le texte n'est pas compliqué et pourtant il accroche. Musicalement, le petit riff de guitare est entré dans la mémoire collective ainsi que le dernier couplet chanté par les Gipsy Kings en Espagnol. Les claviers rendent la mélodie venue d'Andalousie bien plus envoûtante sur les refrains. Ces mêmes claviers qui font l'introduction d'un « Samedi Soir Sur La Terre » prennent une dimension onirique sur cette chanson. Encore une fois, ces soirées d'une nuit sont 18 ans plus tard encore au goût du jour et se multiplient même de plus en plus. C'est une fable sur deux jeunes commençants « une aventure sur le siège arrière d'une voiture », les figures de styles se succèdent pour mettre en image une chanson des plus cinématographique. Ce titre est tout en crescendo, partant de la rencontre sur la guitare sèche et claviers, pour finir aux ébats amoureux dans un enchevêtrement, tel ceux des deux protagonistes, de solo de guitares et saxophone d'une justesse rare. Sur un morceau comme celui-ci Cabrel nous rappelle qu'il aime le Blues et le Jazz et que ses premiers amours sont Son House et Charley Patton, monstres sacrés de ces genres. Pour moi c'est la plus belle chanson de l'album. On sent ces personnages, on vit avec eux ce samedi soir et la passion éphémère qu'ils vivent. Comment ne pas être happé par ce déchirement de distorsion offerte par la guitare, comment ne pas se voir dans les yeux de cette jeune fille dans les rondeurs du saxophone ? De laisser la fin en roue libre musicale, comme un don de soi à l'autre, j'aime cette image de ne pas se soucier du « après » retranscrite ici.
« Le Noceur » est sans doute la moins connue des quatre citées précédemment. Elle reste dans le domaine de la nuit. Par contre, seul le Jazz est invité et il donne de la profondeur à une chanson qui aurait pu être bien fade interprété autrement. Les jeux de mot « Noceur » « No Sir » est l'un de mes favoris de l'album, encore une preuve de l’intelligence de l'écriture. Francis Cabrel sait s'entourer lorsqu'il s'agit de faire de la musique de qualité et ce morceau le prouve, un Jazz frais, désinvolte et sans fausse note ou excès de confiance. Puis, cette facilitée à laisser s'exprimer les autres en même temps que son texte fait avancer la chanson bien plus souplement, on se meut au rythme du noceur. Enfin, dernier pilier de l'album : « Je T'Aimais, Je T'Aime, Je T'Aimerai ». Ce morceau prouve deux choses : tout d'abord, que Cabrel est un compositeur hors norme, bien trop sous-estimé. En deuxièmement qu'il ne faut pas forcement une armada de violon et de clavier pour faire une belle chanson d'amour. Une guitare et des chœurs cela est bien suffisant lorsqu'on a un texte d'une telle beauté. On ne se rend plus compte de cette beauté de par le nombre d'écoute trop importante, on entend le texte sans l'écouter, alors qu'il vaut nombre de poèmes.
Arrive ensuite les détails de l'édifice avec des chansons aux caractères tous différents. Dans un domaine très construit et très blues viennent se loger « Assis Sur Le Rebord Du Monde » et « La Cabane Du Pécheur ». Avec ces deux-là, des dizaines d'images nous sont données pour faire notre propre film, la qualité de l'écriture est encore à mettre en avant. C'est fou à dire car tant dans l'une et l'autre la part belle est faite à un solo en arrière-plan qui évolue au long de chaque mélodie jusqu'à gagner sa place en fin de chanson. Je suis très amateur de solo mais c'est pourtant la mélodie qui me charme à chaque fois, surtout sur « La Cabane Du Pécheur », quel talent... Francis Cabrel aime la musique en général et c'est pour cela que le style manouche fait une petite apparition au sein des « Vidanges Du Diable » au niveau de l'accompagnement. La chanson plus traditionnelle Française se trouve dans le duo « L'Arbre Va Tomber » et « Octobre ». Ce n'est pas une critique bien au contraire que de les poser en chansons Françaises, elles en font toute partie. Il s'agit juste de ne pas leurs donner un autre genre qui viendrait les agrémenter un peu plus. Sans vouloir me répéter mais l’expansion de l'Homme sur la forêt est encore une réalité de nos jours, et par une approche romantique de l'arbre Cabrel se pose en défenseur de cette cause pratiquement perdue.


« Tôt Ou Tard S'En Aller » conclu l'album de façon curieuse. Elle paraît inachevée ou du moins volontairement décharnée. Une sorte d’au revoir qu'on ne souhaite pas, un retour sur soit même et sur ce qui a été accompli ou non. Il y a du regret, « j'avais des rêves », tout comme j'ai dû regret à chaque fois que l'album se termine, car oui il faut bien « Tôt Ou Tard S'En Aller ».


J'ai eu du mal à débuter cet article, j'aurai du mal à le finir, car c'est la fin du plongeon dans l'univers de Francis Cabrel. Cet univers qui se compose tant par ses superbes textes que par ses mélodies qui vous emportent et vous dessinent des histoires où l'on aime être le héros. Je ne ferme jamais complètement la parenthèse Cabrel, elle est toujours ouverte. Les soirs où rien ne va, rien ne convient. Lui, et un « Samedi Soir Sur La Terre » conviennent toujours.

Frusciendrix
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le 4 mars 2013

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