Selon l'adage rockeur, le doom metal aurait la caractéristique de mal s'accorder avec le mot évolution, voire tout simplement d'être indifférent à toute forme d'innovation sonique (et sonore). A tort. Car si le doomster par nature se méfie des modes et reste attaché à une utopique authenticité, il n'en reste pas moins ouvert aux autres musiques... saturées de préférence.


Formé en 2005 à Chicago, suite à leur précédent split Meat Ditch sorti en 2009 avec la formation nippone Winters in Osaka, le quartette Bongripper signe cette année leur 5ème LP, Satan Worshipping Doom, et écrivons le tout de go, sans doute leur meilleur album ou tout du moins l'un des plus pertinents albums de doom instrumental depuis Eve d'Ufomammut.


En dépit d'une pochette dont les plus malintentionnés (à raison?) s'empresseront de railler les lieux communs satanico-métalliques (au même titre que le nom du dit album au passage), l'écrin laisse par la même occasion présager une musique grossière et caricaturale, à la croisée d'un brutal death metal de seconde zone et d'un black metal ultra primaire. Il n'en est rien. Ça serait mal connaitre leurs productions antérieures...


A l'image du nouvel album des italiens précités, le nouveau Bongripper se veut davantage massif et moins enclin à suivre directement leur passé et la rugosité sludge qui les caractérisait. Mais avec une différence temporelle cette fois-ci et à l'opposé des géniteurs d'Idolum, le groupe étasunien nous avait habitué auparavant à des disques sinon concepts, tout du moins proches de la chanson fleuve décomposée en plusieurs parties (Heroin (2007) ou Hate Ashbury (2008)), or le dernier né ne se résume qu'à une heure de musique pour quatre titres instrumentaux dépassant allégrement les 10 minutes... soit sur support vinyle un titre par face.


Ainsi après s'être aventuré au drone/noise à leurs débuts sur Heroin puis sur leur disque suivant Hate Ashbury vers un son plus groove, Bongripper avec son Satan Worshipping Doom joue les compilateurs de luxe, les Pantagruels du metal en synthétisant nombre d'influences issues de l'extrême mais avec ce même détachement ou recul salutaire qui les empêche de sombrer dans l'hommage stérile et premier degré.


Satan Worshipping Doom ouvre le bal par les biens nommés Hail et Satan, ou pour la glorieuse première plage, la mise en bouche idéale pour tout adorateur de lourdeurs hypnotiques. Une entrée classique en matière de coup de massue sonore qui dénote instantanément néanmoins le désir des musiciens d'aller à l'encontre des idées reçues, car si l'ombre d'un stoner metal plane sur cette ouverture martelante, c'est indubitablement le groove inhérent au genre qui marque les esprits. Jamais le groupe n'avait autant paru aussi soudé.


Autre pièce maitresse du disque, Satan est la preuve qu'on peut faire référence aux 80's sans jouer forcément les passéistes et autres nécrophages. Une introduction dissonante évoquant leurs premiers amours drone/noise, voici les premiers éléments à l'écoute de la plage gloire au bouc... avant la horde sauvage au bon souvenir des débuts du metal extrême, lorsque le balbutiant death metal américain côtoyait le black metal scandinave, furie primaire rapidement écourtée cédant sa place à une ambiance funéraire anxiogène vers des envolées enfumées. Satan ou l'un des plus beaux hommages qu'on puisse faire au genre, Bongripper réussissant à faire le lien entre les jeunes années d'un Bathory, le stoner metal et le doom death.


Le deuxième vinyle avec les morceaux Worship et Doom se veut plus classique dans l'approche, ou la quintessence du savoir faire des "chicagoiens" en matière de musique instrumentale s'étalant sur près d'un quart d'heure alternant riffs cataclysmiques et transe sonore. Passé un Doom post-apocalyptique, Satan Worshipping Doom se clôt avec le sentiment que le doom metal n'a certes pas vocation à devenir un jour un genre populaire, mais qu'il pourra toujours compter sur une poignée d'adeptes inspirés, grands ordonnateurs de musique d'ambiance... monolithique.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2010/11/satan-worshipping-doom-bongripper-2010.html

Claire-Magenta
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le 30 janv. 2013

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