Sur son quatrième album, le deuxième de l'année après la sortie tardive de "One Day, You'll Dance for Me New York City", le Norvégien langoureux entend montrer que la science est la chose la plus sensuelle, poétique et belle qui soit. Et, à défaut de convaincre les créationnistes auxquels il est fait discrètement référence sur le morceau d'ouverture, ou de ravir le cœur d'une belle, sans doute changeante, qui se refuse à lui de disque en disque ("How It Feels", "This Year"), il fait littéralement fondre de plaisir l'auditeur. Car "Science" est le disque de soul intime le plus chatoyant et inspiré qu'il ait été donné d'entendre depuis longtemps, un disque qui va continuer à entretenir le double mystère d'une musique capiteuse et libre d'attaches et d'une personnalité artistique mystérieuse (ses livraisons discographiques sont aussi mesurées, sa voix aussi tenue que ses prestations scéniques sont fiévreuses). Sans rompre de manière brutale avec la norme esthétique qui a été jusque-là la sienne, un envol de vocalises soul sur fond d'americana bien tempéré (orgue, guitares slide, lapsteel et pedal steel), il prolonge avec une aisance stupéfiante l'ouverture des perspectives observée sur "One Day, You’ll Dance for Me.. " : il y a dans le disque de discrètes touches free-jazz (la basse, les percussions et les cuivres de "Something Real"), des cordes classieuses ("How It Feels", "Still My Body Aches"), des ponctuations dignes d'une musique contemporaine plutôt ambient et contemplative ("Maury the Pawn"), le tout fondu dans un ensemble seyant, comme fait d'une pièce sans coutures apparentes, les chansons glissant les unes dans les autres avec une fluidité qui laisse pantois. La transition entre la soul suave de "You", avec ses chœurs fondants et un falsetto qui - espiègle - défie Prince sur son terrain, et la douceur folk-rock de "This Year", morceau qui tient parfaitement en équilibre entre storytelling et harmonies, est un exemple de ce qu'on aurait aimé entendre sur le dernier Cat Power, pardon, sur n'importe quel autre disque cette année. Mais c'est bien là et rien que là. On ne mesure pas vraiment ce que cette beauté libre doit à la conception ou à l'intuition du musicien : lui-même dit avoir fait le disque en fondant les mélodies sur les harmonies, et non l'inverse, mais cela n'épuise ni le mystère ni le charme de ses ballades suspendues que la voix, pas racoleuse pour un sou (et elle a pourtant les moyens d’aguicher), ponctue avec une grâce désinvolte. On évoquerait volontiers l'alchimie si le mot avait encore un sens synonyme de la science ici revendiquée, mais on est sûr de ne pas se tromper en parlant de grand art. (Popnews)