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6.8
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Album de Claire Rousay (2024)

Artiste extrêmement prolifique jusqu'en 2022, Claire Rousay a pris le temps de peaufiner son "Sentiment" pour un premier label de grand renom :"Thrill Jockey". Dépositaire et unique pratiquante connue de l'emo ambient (elle vend des casquettes à l'effigie du genre sur son site), armée de son empreinte et de son sens unique du DIY, elle signe ici un des plus beaux disque de l'année.


Comme à chacune de ses sorties, l'américaine expose un plaidoyer pour la création artistique comme noble forme de lutte face à la dépression et à la merditude du quotidien. Depuis sa chambre, et plus particulièrement, depuis son lit. Emo/bedpop/ambient qu'on vous dit.


Sur l'artwork, la "mise en scène" est sans équivoque. Des cannettes de bière bon marché, un CDr compilant des hits de 2015, quelques paquets de clopes, une gratte hors de prix offerte par un patron de label alors qu'elle s'était fait volée tout son matos, caméra et tape recorder, chargeur de portable à portée de mains, sans oublier une couette douillette en flanelle. Tout ici invite au repli, et à un album dans lequel il fait bon s'emmitoufler pour affronter les affres de la vie.


Utilisant l'auto-tune comme personne sur cette scène pour modifier sa voix, Claire Rousay brille dans sa capacité à réaliser de fluides fusions entre textures organiques et synthétiques. La darkitude du propos contraste toujours avec la luxuriance des compositions et des arrangements, plus particulièrement quand elle ajoute field recordings venus du tumulte extérieur, hors de sa zone de repli, et lorsqu'elle insère des captures audio de vie quotidienne. La lecture d'un texto pathétique, une conversation sur la positivité toxique et le sexe triste entre la poire et le dessert., par exemple.


Certaines pistes sont même purement instrumentales, invitant ça et là un tiers pour poser une guitare, un violon ou violoncelle en dehors du lit.

Au niveau des textes, les thématiques abordées sont la dépression, le diktat qu'on s'inflige soi-même ou que la société ordonne à "aller bien". Les relations, leurs désillusions et parfois leurs aspects les plus sordides (petit trigger warning sur ce qu'évoque en filigrane le titre "head").


Voici donc un album pour briller durant les décompensations saisonnières, parfois, le spleen se fond et imbibe de lumière.

Créée

le 13 oct. 2024

Critique lue 14 fois

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