Centipede - Septober Energy (1971)
Il y avait un challenge à relever, nunu a mis la barre haute avec « un joyeux bordel à 18 dans le groupe », et bien voici encore plus fort : « Septober Energy » de Centipede, cinquante-cinq musiciens réunis, sans compter Robert Fripp qui a pourtant fait un gros boulot. Pour ce qui est du joyeux bordel, il est là aussi, surtout pour les progueux à l’époque, c’est-à-dire 1971, qui sont passés en partie à côté de cette œuvre atypique qui est restée, alors, assez incomprise.
Ça tient essentiellement au parti pris « free » qui déménage ici, lors de longues improvisations peu à même de séduire des oreilles aux habitudes plus structurées. Il y a également quelques passages, d’ailleurs excellents, avec des cordes, qui pouvaient éventuellement gêner, et même un solo de batterie en début de face trois. Pour résumer, constatons que malgré la kyrielle de grands noms de la musique prog, l’album sera plutôt classé du côté des bizarreries iconoclastes et anticonformistes, côté free, quoi. C’est ce passage un petit peu dans toutes les cases qui en fait, définitivement, un chef d’œuvre !
Le maître à jouir dans tout ça, le cœur battant de cette démesure orgiaque, c’est Keith Tippett. Il est également compositeur en même temps que Julie Tippett et directeur musical ici, et c’est Robert Fripp qui a produit l’album. Il est impossible de citer tous les musiciens ici, mais en voici quelques - uns : Robert Wyatt, Dudu Pukwana, Mark Charig, Maggie Nicols, Karl Jenkins, Elton Dean, Boz, Ian Carr, Mike Patto, Brian Godding, John Marshall, Harry Miller, Mongezy Feza, Alan Skidmore, Gary Windo, Nick Evans, Paul Rutherford... Que du lourd !
A la vérité c’est pas si bordélique que ça, avec une oreille d’aujourd’hui. Les extravagances qui ont pu effrayer il y a cinquante ans s’effacent derrière la beauté grandiose de cet ensemble merveilleux. Les chœurs sont splendides, les solos qui s’enchaînent, souvent rageurs et décapants, captent une formidable énergie rarement entendue. La synergie est réelle et la magie du nombre donne une impression de force et de puissance rarement égalée.
Une œuvre à écouter ou réécouter avec persévérance mais qui se livre sans effort…