Charles Gayle – Shout! (2005)
Charles Gayle sur Clean Feed, le petit label portugais, en deux mille trois pour la date d’enregistrement et deux mille cinq pour la sortie physique, avec deux fidèles, Sirone à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie, Charles est au ténor exclusivement, sauf que, euh… le piano sur « I Can’t Get Started », c’est certainement lui qui en joue, bien qu’il ne soit pas crédité !
Il souffle et il respire Ayler, comme une évidence, une nécessité, sans jamais pomper, non jamais. Que ce soit Albert ou Charles, où les autres mystiques qui ont précédé, avec des noms de géants, c’est par l’esprit qu’ils sont réunis, avec la même flamme, de ceux qui croient, qui prient, même si la foi les perd ou les égare, ce n’est pas grave, l’essentiel c’est de croire, d’y croire.
Pourtant, malgré les inévitables déchirements il y a une sorte de quiétude ici, comme si les mauvais esprits s’en étaient allés, le temps d’une session, ou presque... D’ailleurs Charles ne joue pas que ses propres compos, bien qu’il en joue majoritairement quand même : car il y a des standards.
« I Remember You », « What’s New » et « I Can’t Get Started », trois pièces quand même qui sont plutôt innocentes, sentimentales. Prenons « What’s New » par exemple, cherchez bien vous en verrez peu des versions comme celle-là, écorchée, plaintive, quelque part entre la douleur et la ballade, elle transpire les regrets et l’amertume, comme si l’âme était si lourde que le fardeau en devenait insupportable. Pourtant la pièce est belle, comme un blues qui déchire et vous perce, tranquille malgré tout, avec cette contrebasse fataliste, qui vous montre le chemin de la rédemption…
La pièce suivante vous rassérène, « Shout Of Love » qui vous renvoie à la pochette du Cd où le Christ, coiffé de sa couronne d’épines, offre de la nourriture au petit nèg’ vêtu de son seul pagne… Jésus a le bon rôle et se montre généreux, musicalement ça se traduit par un titre enjoué, enfin pour Charles Gayle, probablement gai et optimiste.
Si on élargit un peu, et on peut, on voit un Gayle qui, même avec l’esprit au beau fixe, se sent concerné par l’état du monde, des valeurs morales, de la justice et de tout ce qu’il pense être le bien, citoyen du monde, mon frère et le tien, il nous porte sur ses épaules.
D’ailleurs la pièce suivante s’appelle « Unto Jesus Christ », qu’on se le dise, Charles est un mystique et il prêche, avec son bâton de pèlerin, pour apporter la bonne parole au travers de sa musique, tout y entre, la ferveur, la force de la foi, la certitude d’être aux côtés du bien…
Les autres, John, Alice, Albert et Pharoah y mettaient une touche souvent plus discrète, Albert convoquait même « le Malin », quelque part entre le bien et le mal, d’ailleurs c’est sans doute ce dernier qui l’a sans doute précipité dans l’East River. Charles, lui, est un prêcheur, il va semer la bonne parole, là où il passe, et son message est fort et puissant…