Squelettes de chansons, pleins de chair et de sang...

Hammill n'a enregistré qu'un live durant les années 70. Enfin même pas officiellement, il a juste donné son accord ce soir là, pour que l'enregistrement se fasse et que 100 copies soient tirées. Les 100 copies les plus dispendieuses qui soient dès leurs sorties. Il reprendra toutefois quelques titres en bonus dans le nouveau millénaire (sur certains cd). Ce qui en dit long sur l'importance qu'il a envers cet enregistrement. Deux heures et cinq minutes de Hammill en squelettes de chansons (piano et guitare acoustique seulement)


Le tout s'ouvre avec un superbe House with no door (tiré de H to He de VDGG) la voix de falsetto est un peu forcé... D'habitude Hammill attend au moins une coupe de morceaux, pour se réchauffer la voix, avant d'entamer cette perle.


Time Heals (d'Over) enchaîne , la version reste assez sage mais très bien interprétée. Comparée à la version de l'Outremont quelques mois plus tard (juin 78) sur le bootleg Farewell my Lovely , elle est moins puissante. Il faut dire qu'à L'outremont Hammill jouait sur un piano à queue Steinway (fait rarissime à cette époque en concert) et que le piano accordé l'après-midi même à sa demande le propulsa. La finale du morceau est toutefois magnifique et les fans remarqueront la finesse des hautes.


Un autre morceau de Over enchaîne avec This Side of the Looking glass. L'attaque est superbe et Hammill y délivre une très belle prestation vocale.


My Room (de Still Life VDGG) est magnifique, certaines variations au piano nous enchante. Les derniers : “Waiting for them to be broken” sont sublimes: du cri au murmure, de la plainte lascive aux derniers envols du piano on est dans du grand Hammill...l'enchaînement avec Easy to slip away (Chameleon in the shadow of the night) est juste parfait...C'est une des plus belles versions en concert avec encore une fois celle de l'Outremont. Juste un peu moins puissante au niveau du piano mais mon Dieu que tout cela est loin dans les étoiles....Le cri final est renversant...


Pour conclure la première partie piano: Still Life de VDGG. Une intro parlée où Hammill explique le concept du squelette des chansons et de la version unique à chaque soir. Cette version est immense, la voix a des douceurs de studio, parfaitement maîtrisée, elle atteint un contrôle exceptionnel même dans la rage...Il faut entendre toute la douceur des derniers vers, que seule la prestation solo permet, pour réaliser la splendeur de cette version...grandiose... et le piano devient Debussien...


Hammill entame la partie guitare avec Lizard Play de VDG.Une version parfaite, sans cris outranciers dans la première partie, la guitare prend son envol. C'est fou comment Hammill à lui seul réussit à remplir l'espace. La finale est superbe avec le dernier : “me” étiré, comme rarement...


Puis Time for a change (de CJSmith) à noter que la version n'est pas encore endisquée à cette époque et beaucoup de Nord-Américains la découvriront live. Il existe plusieurs versions pirates de cette chanson dont la magnifique de l'Université de Montréal (Voices bootleg première partie de Genesis (74) et Farewell My Lovely Outremont 78). Celle-ci est un peu en deçà mais magnifique tout de même. Il enchaîne avec une autre chanson de CJS : Been alone so long. Hammill déclare que : “This is really a song, and everybody knows about that one, even if they admit it or not”. Elle est particulièrement douce , pas de cris pour : When to run and when to fight. La finale en decrescendo est absolument magnifique. Une grande version !


Puis l'outrageuse violence de Modern ( Silent Corner and the empty stage) Hammill y fait pour une des dernières fois le son des trompettes , au moment où il chante le mot trompette, fascinant...Et ça déroule, la voix va du murmure au bégaiement (contagiously insane) . La guitare acoustique est exploitée à son maximum....c'est fou comment juste une guitare qui a quelque chose à dire peut supplanter les claviéristes aux douzaines de claviers.


If i could (the Future now) est un morceau dont je ne suis pas très friand ,il est ici rendu de façon plus fascinante et touchante que sur la version studio. Moins chargée, plus tranchante.


L'enchaînement avec Last Frame coule ...Fini la douceur, l'agressivité sort, la version se démarque par la superbe voix de falsetto de la fin....pour revenir à la force rageuse...


The Comet, the course , the tail (In Camera) a toujours été un morceau de bravoure en concert. Ici la voix est remarquable, par des nuances, pas souvent entendues...Il est clair que le public ne connait pas tellement l'album car ils applaudissent au milieu de la chanson, à un moment silencieux où la chanson reprend juste son souffle. Anyway toute une version avec cette finale rarement entendue, très douce: I am my own direction! ici seul le “direction” est crié...


Retour au piano, pour un The Lie à l'ouverture différente. Le morceau autrement, reste très fidèle à la sublime version originale. Le son live ajoute une dimension plus crue moins gothique que sur l'album. Une magnifique version avec une énergie fascinante avec le cri final apocalyptique.


Très vite on enchaîne avec l'ensorcelant The Mousetrap (The Future Now, pas encore sorti à l'époque du concert). La version est sublime. Les chansons jouées au moment de leurs sorties ont toujours les plus belles interprétations. Le piano est divin et que dire de la voix ? Hammill prouve ici à tous ses détracteurs combien unique , magnifique, tendrement intime et outrageusement majestueuse est sa voix. Son :“ Can i really feel , i wonder if i dare...and behind this actor's mask i wonder if anyone is left in there ” est tout simplement bouleversant.


Et voici venir la rareté suprême; L'intro de In The End sera jouée de façon unique, revisitée d'une façon magnifique, jamais rejouée ainsi.... Cette intro vaut l'album à lui seul. Comparez la version à celle sur YouTube jouée à la télévision française, pour constater la différence. On voit ici à quel point chaque concert est unique pour Hammill. Bon la version reste inférieure, surtout à cause de la qualité du piano, à celle de l'Outremont mais ne nous y trompons pas ceci est de l'immense Hammill. Il faut écouter attentivement la partie “ in to unknown prophecies and lies the rainbow's end is hemmed around with knives......as i stand on...etc.” Puis la voix atteint encore une fois des dimensions inconnues à tout autre chanteur sur cette planète.... Fripp disait que Hammill avait fait pour la voix ce que Hendrix avait fait pour la guitare...vous l'entendrez ici.


La transition entre In the End et le medley (Plague et Sleepwalkers) est aussi nouvelle. Le morceau est fascinant joué en squelette, il laisse des possibilités à la voix , inconnue en groupe. Il faut écouter la douceur du : “but there not for me”, le bégaiement du: “I prophesy disaster” la solennité du “I crack the glass” Le cri déchirant du : “Scream dans Locked in silent scream”. Amateurs de Pawn Hearts et de Godbluff, écoutez cette version pour découvrir l'ampleur des concerts solos de Peter. A waking dream indeed...


Et voici venir l'impérial Man-Erg, qui flotte très haut dans l'univers Hammillien. On a une version incroyable ce soir là tant au niveau de la douceur de la voix et aussi de sa rage. Le “go to fall and i know i shall be caught as long as the angels live” sont absolument stratosphériques. Si vous n'êtes pas convaincus de l'immensité de Hammill durant son âge d'or live, vous le serez jamais. Le piano final s'éparpille en cascades rarement entendues durant cette finale, on croirait presqu'entendre Keith Tippett pendant un court moment. La lenteur des derniers vers est remarquable. Hammill se réinvente constamment dans sa façon de chanter et ce Man-Erg nous cloue sur la croix du chantre de l'univers moderne.


Pour finir, le deuxième rappel est l'incontournable Refugees. Il commence par une petite erreur de piano. Mais la voix s'élève, haute, précise, sans effort, juste magnifique. Même l'erreur de texte est chanté divinement. Hammill souffre et nous souffrons avec lui. Sa souffrance se renouvelle soir après soir . Squelettique, comme ses chansons données corps et âme, il est à lui seul le miroir de la douleur de l'humanité et de sa lumière.


Now we are alone...with refugees carrying all we have in brown bags...


On ne revient pas d'un tel concert...on ne revient jamais de l'âge d'or de Hammill...Il est comme la Callas ou Pavarotti...une étoile unique et à son firmament il traçait dans le ciel des comètes le temps d'un soir...


À la fois, ange, assassin, réfugié, sur la scène....“I am just a man” vraiment ?

RockNadir
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le 5 mai 2021

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