Les surfeurs aussi ont le vague à l’âme. Finies les mélodies optimistes et ensoleillées, inspirées par l’immensité de l’océan, finies les feel good songs qui remontaient le moral les jours de cafard, finie la guitare boy-scout au coin du feu. Aujourd’hui, ça serait plutôt à l’auditeur de consoler Jack Johnson, comme si les millions d’exemplaires vendus de ses précédents albums n’avaient eu pour tout effet que de le renfermer sur lui-même. Jusqu’à présent, le Hawaïen avait toujours réussi à se préserver, à regarder du bon côté de la vie, surfant avec ses potes ou signant la BO du film pour enfants Curious George. Alors qu’il sera tête d’affiche de l’énorme festival américain Coachella en avril, la pression semble être maintenant tombée sur ses épaules. Comme s’il était effrayé à l’idée de devoir affronter la responsabilité d’une carrière et le succès, Jack Johnson fait profil bas, détourne les yeux, se tisse un cocon. Plus orchestré que ses précédents disques, avec piano et guitare électrique, Sleep Through the Static est un bel album humble, à la mélancolie anxieuse, tourmentée. Les quelques ambiances chaloupées (Hope, If I had Eyes) cachent, trompeuses, des paroles brumeuses voire menaçantes. Toujours préoccupé par l’état du monde, cet écolo convaincu a enregistré le disque uniquement via l’énergie solaire. On souhaite à Jack Johnson que celle-ci vienne rayonner un peu plus sur son moral.
(Inrocks)