La petite troupe new-yorkaise d'Alec Ounsworth, leader aussi fascinant à la scène que peu loquace à la ville, a envoyé valser le syndrome du second album décevant en façonnant un disque qui reprend la même recette que son prédécesseur mais soigne davantage la cuisine. Some Loud Thunder est plus abouti, plus sophistiqué, fort d'une production déroutante, bien que son auteur principal se défende d'avoir voulu changer quoi que ce soit dans sa méthode de travail. Il faudra passer outre le premier morceau du disque, dont la réalisation semble avoir été confiée au petit voisin du dessous qui aurait découvert le logiciel Cubase deux heures plus tôt. Un titre cochon quasiment inaudible. Mais les dix titres qui suivent cette drôle d'entrée en matière donnent l'heureuse impression que le petit voisin du dessus est en fait un génie et qu'il a tout compris à Cubase en deux minutes. Cela s'explique sans doute par la présence aux manettes du producteur Dave Fridman, amoureux des ornements classieux et des emballages soignés, qui a déjà à son palmarès une collection de bien jolis paquets (Soft Bulletin des Flaming Lips, Deserter s Songs de Mercury Rev). Cette collaboration n'empêche pas Alec Ounsworth de continuer à rendre hommage, plus que jamais, à son idole Bob Dylan, qu'on jurerait entendre à plusieurs reprises ? écouter le refrain d'Emily Jean Stock, c'est voir les boucles de Robert Zimmerman. Tant et si bien qu'à l'automne dernier, Clap Your Hands Say Yeah a participé à un concert hommage à Dylan aux côtés de Patti Smith ou Sonic Youth, revisitant Love Minus Zero/No Limit. Quarante et un ans séparaient la reprise de CYHSY du titre original : autant d'années habilement entremêlées sur Some Loud Thunder, recueil irrationnel de pop-songs sans loi ni date de naissance. S'il ne dévoile pas la musique de demain', Some Loud Thunder constituera en revanche à coup sûr, avec le très attendu second album de The Arcade Fire, la plus réjouissante raison de regarder vers l'Ouest en 2007. Et d'y découvrir un condensé de ce que la scène US peut proposer de mieux : Dylan donc, mais aussi Yo La Tengo et Tom Waits, entre lesquels vient s'inviter un inattendu représentant britannique ? c'est une mélodie de Supertramp qui semble s'échapper de l'introduction de Love Song No. 7. Sur Some Loud Thunder, on continue certes de danser, mais comme on s'agitait à l'écoute des aliénés The Skin of My Yellow Country Teeth ou Is This Love sur le premier album, c'est-à-dire qu'on y devient épileptique et que les pieds malmènent le sol comme sur les morceaux compulsifs des derniers albums de Radiohead. Et si, le temps d'un court intermède, un paisible accordéon de couloir de métro (Upon Encountering the Crippled Elephant) vient calmer la tempête, c'est pour mieux la laisser se déchaîner dès le titre suivant, avec son cortège haletant de claviers, cuivres, beats et chœurs orageux. Les neurones en pagaille, on ressort de ce dance-floor spirituel épuisé mais béat, pressé de s'essouffler de plus belle lors des concerts prévus pour les mois à venir.(Inrocks)
Vous avez donc produit le deuxième album de Clap Your Hands Say Yeah. Figurez-vous que j'aimerais bien vous couper la tête, l'accrocher au bout d'un piquet et me balader dans la rue avec en criant vengeance. Car je suis sûr que c'est de votre faute. De votre faute si le grandiose bordel électrisant de In This Home On Ice a laissé la place au gentil désordre mélodique de Emily Jean Stock ou Underwater (You And Me), évidemment parsemé de vos gimmicks habituels (ça grésille, ça tintinnabule etc.). De votre faute encore si Satan Said Dance, titre qui détonnait l'assistance lors de concerts souvent paresseux, voit ici sa tension exaltante si contenue qu'elle en devient inoffensive.
Pour votre défense, il semble qu'Alec Ounsworth ait mal digéré son succès foudroyant et se prenne désormais pour le Bob Dylan de l'espace, lancé en apesanteur avec Syd Barrett, le Velvet et quelques cachetons. Il y arrive même, sur l'impressionnant Yankee Go Home, ballade desséchée qui monte en puissance comme le soleil en plein désert, ou sur le troublant Mercury Walks..., qui mêle acoustique d'un autre temps et entrain mélodique magnifique. L'alchimie fonctionne alors à nouveau, capable de rendre divine une voix nasillarde à priori insupportable qui étire les syllabes comme un enfant tire sur son élastique, et terriblement euphorisantes des orchestrations qui brinquebalent tel un bateau ivre. Mais j'insiste : la déception est là, encore amplifiée par l'écoute de la chanson éponyme.
Placée en ouverture, on devine chez Some Loud Thunder le potentiel jouissif d'un Heavy Metal, mais vous avez cru bon d'enrober ce morceau de grésillements outrageux qui le rendent presque inécoutable (au casque notamment). C'est n'importe quoi. Et puis, ça sert à quoi ? À rien du tout, sinon à priver cet album de l'énorme hit qui aurait largement sauvé la mise. Monsieur Fridmann, vous avez troqué l'imperfection tapageuse contre une finauderie altière. Pour résumer, et puisqu'on les cherchera encore longtemps au sein de ce disque, vous avez déconné à pleins tubes. (Magic)
Il était attendu, celui-ci, c'est peu de le dire. L'arrivée du premier album dans les bacs a créé une onde de choc, porté par un lobbying important des blogs, et relayé ensuite par la presse spécialisée. Le succès impressionnant du disque (300 000 exemplaires vendus, en sachant que le groupe n'est toujours pas signé aux Etats-Unis !) a porté aux nues les CYHSY, d'aucuns voyant en eux les nouveaux sauveurs du rock, concept qui dessert malheureusement davantage qu'il n'aide les groupes ainsi portés au pinacle. Nous arrivons donc au cap du "toujours difficile deuxième album". Verdict. C'est bon. C'est même particulièrement puissant. L'album démarre avec un hit potentiel, "Some Loud Thunder", et son tambourin qui résonne comme rarement sur le refrain. Les compositions de l'album prennent une dimension parfois décalée et étrange (tel ce "Love Song n°7" au piano entêtant, qui se termine en fanfare dissonante), aidée en cela par le chant d'Alec Ounsworth, qui évoque un Thom Yorke des plus torturés. Si les compositions restent assez similaires à celles du premier album d'un point de vue stylistique, elles sont cette fois-ci littéralement transcendées par la production de l'orfèvre sonore Dave Fridmann. Mais le plus important, au-delà de cette magnifique production, pleine d'échos et de réverbération, de tambourins et d'orgues, ce sont encore et toujours les morceaux eux-mêmes qui sidèrent le plus. "Goodbye to Mother and the Cove", et sa lente progression vers une apothéose sonore, qui s'achève en boléro ; "Emily Jean Stock" et sa mélodie très sixties ; "Arm and Hammer", un chant saturé et une ligne de guitare digne des albums solo de Syd Barrett. Le groupe nous réserve une pépite pop en toute fin d’album, "Five Easy Pieces", une lente ballade de plus de six minutes, sur laquelle la voix d'Alec Ounsworth se perd dans le lointain, tandis que la mélodie se déroule majestueusement, avec un piano et une guitare magnifiquement lyriques, et un tambourin encore une fois noyé dans l'écho. Au-delà de la confirmation du pouvoir de Clap Your Hands Say Yeah en tant que créateurs d'un univers original (une pop lyrique, empreinte de malaise et d'obsessions sixties), ce deuxième album, par sa production intouchable, permet à la musique du groupe de prendre toute sa dimension. A quand une production signée Scott Walker ?(Popnews)
Un an après la sortie du premier album de Clap Your Hands Say Yeah, il faut bien reconnaître que le succès critique et public du groupe, principalement du au buzz propagé sur internet, nous avait laissé un peu dubitatif : des influences parfois trop visibles (Yo La Tengo et Talking Heads en tête), des titres pas toujours bien finalisés, une voix, disons, discutable, et des prestations scéniques moyennes. Mais pour le passage difficile du second album, Alec Ounsworth a recruté les services du producteur Dave Fridmann. Vu le pédigré de ce dernier - Mercury Rev, Flamming Lips et Sparklehorse - on était curieux d'entendre ce qui allait sortir de ce disque.
"Some Loud Thunder" débute avec un titre dont la production semble avoir été bâclée volontairement : la plupart des instruments sont saturés. De quoi déclencher une tempête dans un verre d’eau au vue de sa position en ouverture du disque. Pourtant ce morceau fonctionne, en faisant toutefois abstraction de l'habillage sonore bâclé. Mais passée cette introduction, la bande d'Alec Ounsworth définit des compositions plus amples et moins brouillonnes. Avec Love Song n°7, Mama, won't you keep them castles in the air and burning? ou encore Goodbye to mother and the cove, CYHSY accouche de constructions musicales pop assez complexes. Des petits joyaux de mélodies où l'on sent bien la patte de Dave Fridmann à la production. On leur pardonnera juste une relative longueur.
Mais alors qu'on se laissait aller à ces paysages sonores bariolés, l’ultime Satan Say Dance, déjà joué en concert, vient nous sortir de notre mélancolie en déployant une efficacité monstrueuse avec sa basse ronflante et ses bidouillages électroniques. Pourtant cet interlude dansant sera écourté par certains titres prenant une orientation assez folk, comme Emily Jean Stock, Arm and Hammer et Five Easy Pieces. Toutefois si les morceaux débutent sur une simple guitare acoustique, une dimension pop s'installe très vite, les mouvements sont amples et teintés d’un esprit encore un brin foutraque. On ne sera pas étonné d’apprendre que Dylan et Bowie figurent en bonne place parmi les inspirations d’Ounsworth, qui réussit, malgré une voix essentiellement nasillarde, à véhiculer un supplément d'âme lui permettant de s’écarter de ces références pesantes. Des performances vocales qui n'ont pas fini de partager le public de Clap Your Hands Say Yeah … Au final, le deuxième album des New-Yorkais sonne plutôt bien, mieux produit, quitte à perdre un peu de l’esprit brouillon des débuts. Alec Ounsworth se prend désormais très au sérieux, et la greffe avec Dave Fridmann fonctionne. "Some Loud Thunder" est dense, complexe et diffus, encore imparfait par moments mais suffisamment bien ficelé pour donner envie d'entendre la suite. Bref on tape déjà dans nos mains, mais on attend encore un peu avant de vouloir dire "Yeaaahh !!"... (indiepoprock)