Rares sont les trucs qui m'horripilent plus que lorsqu'on parle de Depeche Mode dans les médias généralistes pour les présenter en "groupe des années 80" et parler d'un retour comme si ils avaient été absents 20 ans. Quand chaque album depuis les années 90 s'est classé soit premier soit deuxième en France, et qu'ils en sortent avec une régularité de métronome tous les 4 ans depuis 1993. Après l'excellent Violator, ils semblent n'avoir plus rien fait pour une partie des gens. Sauf... ce que je considère comme étant leur meilleur album.
Dave Gahan isolé à Los Angeles et s'étant taillé une image caricaturale de rock star (cheveux longs, tatouages, drogue...) s'est pointé avec une envie de faire du rock en se foutant complètement des envies des autres, heureusement Gore, peut-être soucieux de continuer à aller plus loin dans l'utilisation de guitares, avait des compos qui étaient en phase avec cet état d'esprit, sans oublier les arrangements de Wilder, toujours aussi perfectionniste. Le résultat ? Bon sang que cet album est jouissif. "Grandiloquent" comme le décrira Dave Gahan dans une interview de 1997 pour la sortie d'Ultra. Et c'est ce qui est bon.
Depeche Mode a "rockeïsé" sa pop avec des riffs de guitare puissants, de la batterie, sortant des bombes comme I feel you, Rush, In your room (mention spéciale au Zephyr Mix utilisé pour le clip), n'oubliant pas un peu les sonorités synthétiques comme pour Walking in my shoes, se payant le luxe d'avoir tout un orchestre symphonique en studio pour le sublime One Caress, des relents de gospel avec Condemnation et Get Right with me, une montée en puissance géniale pour Higher Love qui sonnait très bien en concert. Du reste, vocalement, Gahan et Gore semblent transcendés par cet album, une férocité pour l'un sur certains morceaux, comme une souffrance pour l'autre, avec ces textes parlant de repentance, d'empathie, de mensonge... Judas au milieu de l'album propose un break un temps apaisant, mais sa fin répétitive sera ma seule réserve sur l'album. Saluons aussi la face B de Walking in my shoes, non présente sur l'album, mais My Joy fait également partie des morceaux puissants qui m'emportent dans une vraie frénésie quand je les écoute.
Au lieu de rester dans une zone de confort, Depeche Mode a pris un gros risque et un gros virage... et les grands médias s'en contrebranlent malgré le succès commercial de l'album, son succès critique, l'énorme succès public de la tournée (en témoigne le dantesque concert Devotional, et, chose très rare, je préfère même Mercy in you live que studio) et les bonnes histoires de tabloïd qui en découlaient, faites d'excès, de dépression, et à terme du départ d'Alan Wilder. Heureusement, Ultra arrivera dans la foulée pour prouver que son départ ne signifiait pas la mort créative du groupe.